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  • Publié le 25 septembre 2018

La Fabrique de la radicalité

Une sociologie des jeunes djihadistes français

La menace terroriste a suscité un déferlement d’analyses, dont le caractère foisonnant masque l’absence quasi complète de données à grande échelle sur ces jeunes Français qui épousent la cause djihadiste.C’est cette lacune que vient combler cette enquête, la plus importante menée à ce jour sur le sujet. Fondée sur l’étude systématique de plus de cent trente dossiers de mineurs poursuivis pour des affaires de terrorisme ou signalés par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse pour « radicalisation », elle permet d’appréhender la manière dont les situations familiales, les relations avec les institutions, les cursus scolaires ou la socialisation entre pairs favorisent l’appropriation d’idéologies ou de registres radicaux et les micro-glissements qui conduisent éventuellement au passage à l’acte. À l’encontre du profilage courant du délinquant djihadiste, comme du mythe de l’« auto-radicalisation » virale susceptible de contaminer n’importe quel individu influençable, l’enquête distingue des formes spécifiques de rébellion et d’engagement, dont les plus précoces et violentes concernent paradoxalement des jeunes issus de familles stables, doués à l’école et sans passé judiciaire. Plus encore, c’est l’inadéquation des réponses institutionnelles que ce travail capital met au jour.

L’inquiétude produite par les attentats récents et par le départ de centaines de jeunes vers la Syrie a suscité un déferlement d’analyses, dont le caractère foisonnant masque l’absence quasi complète de données à grande échelle sur ceux qui épousent la cause djihadiste.
C’est cette lacune que vient combler cette enquête, la plus fouillée à ce jour sur le sujet. Fondée sur l’étude systématique de 133 dossiers judiciaires de mineurs poursuivis pour des affaires de terrorisme ou signalés pour « radicalisation », elle permet d’appréhender la manière dont les situations familiales, les relations avec les institutions, les cursus scolaires ou la socialisation entre pairs façonnent les appropriations de l’idéologie djihadiste.
L’enquête révèle ainsi des types de radicalité différents, de la rébellion contre les familles ou les institutions à un engagement pour faire advenir une nouvelle utopie politique et religieuse. À rebours des clichés sur les « délinquants terroristes », cet engagement peut aussi concerner des jeunes issus de familles stables, doués à l’école et sans passé judiciaire. De façon troublante, c’est aussi le rôle que les réponses institutionnelles peuvent parfois jouer dans les passages à l’acte que ce travail capital met au jour.

Laurent Bonelli est maître de conférences en science politique de l’université de Paris-Nanterre.
Fabien Carrié est docteur en science politique et chargé de recherche contractuel au CNRS

Laurent Bonelli et Fabien Carrié - La Fabrique de la radicalité - Editions du Seuil - septembre 2018 - 20 €

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