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Étude

Génération Tiktok : une enquête Ifop décrit le rapport des jeunes à la science et au paranormal

Un sondage de l’Ifop pour la Fondation Reboot et la Fondation Jean-Jaurès, publié le 12 janvier, mesure la défiance croissante du jeune public envers les vérités scientifiques. Cette enquête très riche et très intéressante montre un essor des croyances infondées corrélé aux usages des réseaux sociaux et à leurs pratiques informatives.

Entre platisme, astrologie, créationnisme, sorcellerie et vaccinophobie, l’étude commandée par la Fondation Reboot et la Fondation Jean-Jaurès à l’Ifop montre en dix points la sécession d’une partie de la jeunesse avec le consensus scientifique. Les adeptes des thèses conspirationnistes et plus généralement des croyances irrationnelles sont particulièrement nombreux chez les jeunes, notamment chez ceux qui utilisent beaucoup les réseaux sociaux.

Défiance croissante vis à vis de la science

Le regard des jeunes sur la science s’avère de plus en plus critique. Seul un jeune sur trois (33%) estime aujourd’hui que « la science apporte à l’homme plus de bien que de mal » alors qu’ils étaient plus d’un sur deux à le penser il y a cinquante ans (55% en 1972) relève l’étude. A l’inverse, la proportion de jeunes percevant négativement ses bienfaits sur l’humanité a triplé entre 1972 (6%) à 2022 (17%), tandis que le sentiment qu’elle n’a pas d’impact (« à peu près autant de bien que de mal ») restait, lui, relativement stable (41%, +3 points). Concernant le profil des répondants, l’institut note que parmi les catégories de jeunes qui pensent que la science apporte « plus de mal que de bien », on trouve 29% des jeunes ouvriers, 27 % des musulmans et 27 % des « Tik-tokeurs » quotidiens. Il apparaît pour les sondeurs que cette défiance croissante à l’égard de la science va de pair avec la sécession avec un certain nombre de « vérités » faisant consensus dans le milieu scientifique.

La vérité scientifique mise à mal

Sur les origines de l’homme par exemple, l’enquête révèle que plus d’un jeune sur quatre croit aujourd’hui au « créationnisme » : 27% des jeunes de 18 à 24 ans estiment que « Les êtres humains ne sont pas le fruit d’une longue évolution d’autres espèces (…) mais ont été créés par une force spirituelle (ex : Dieu) ». Cette contestation de l’évolutionnisme s’avère particulièrement forte chez les sondés se disant « religieux » (60%), notamment chez les personnes appartenant aux religions attachées à une vision littérale des textes ( 71% des musulmans). Elle est aussi très présente chez les répondants appartenant aux catégories populaires socioprofessionnelle (38% des ouvriers).
De même en dépit des évidences scientifiques, le sondage montre que le « platisme » trouve aussi un écho significatif dans la jeunesse française. Alors qu’elle reste marginale chez les seniors (3%), l’idée selon laquelle on nous ment sur la forme de la Terre est quant à elle partagée par près d’un jeune sur six (16%). Présentant les mêmes caractéristiques socio-culturelles que les adeptes du créationnisme, les platistes sont surreprésentés chez les jeunes potentiellement les plus exposés à ces thèses sur internet, notamment les gros utilisateurs de services de vidéos en ligne comme YouTube (21%), d’applications comme Telegram (28%) ou de TikTok comme moteur de recherche (29%).

La flambée des vérités alternatives

Parmi les vérités alternatives, des contre-vérité scientifiques, l’enquête de l’Ifop relève que l’« Alien Theory », selon laquelle des extraterrestres ont joué un rôle dans l’essor des premières civilisations, recueille un nombre significatif d’adeptes. En effet, 19% des jeunes âgés de 18 à 24 ans souscrivent à l’idée que « (…) les pyramides égyptiennes ont été bâties par des extraterrestres », soit trois fois plus que chez les seniors (5%). Moins soumise à une emprise religieuse, note l’étude, l’adhésion à cette théorie ufologique apparaît fortement dans les rangs des jeunes à faible niveau socio-culturel Cette proportion, les sondeurs l’attribuent aux diffusions télévisées de cette thèse via des séries usurpant les codes du documentaire. Autre vérité alternative, la théorie du « Moon hoax » (« canular lunaire ») a elle aussi une audience croissante chez les jeunes : 20% des jeunes estiment désormais que « Les Américains ne sont jamais allés sur la lune », soit une proportion en hausse 5 points en 5 ans. Mais là outre de s’opposer à l’idée de la vérité du progrès scientifique, cette opinion emboite le pas de la plupart des théories prenant le contrepied des informations officielles. Ainsi cette thèse du « Moon hoax » s’avère particulièrement populaire chez les jeunes « musulmans » (46%) ou d’extrême-droite (26% des sympathisants lepénistes), deux catégories, soulignent les sondeurs, dont l’antiaméricanisme n’est peut-être pas étranger à leur refus de reconnaître l’exploit américain de 1969.
Enfin, dans un brouillard informationnel post-Covid propice au complotisme, nombre de jeunes adhérent aussi dans des « fake news » médicales dangereuses pour la santé. L’efficacité de la chloroquine contre le Covid-19 est ainsi reconnue par un jeune sur quatre (25%) et ils sont encore plus (32%) à croire que les « vaccins à ARNm (…) causent des dommages irréversibles dans les organes vitaux des enfants ». Et dans la confusion liée à l’actualité sur le sujet, l’idée selon laquelle on peut avorter sans risque avec des plantes est, elle, partagée par un quart des jeunes (25%) et plus d’un tiers (36%) des utilisateurs pluriquotidiens des réseaux de microblogging (36%). Ces jeunes qui consultent les réseaux sociaux de micro blogging plusieurs fois par jour sont donc plus imprégnés de vérités alternatives.

Le boom de Tiktok

Enfin, à l’heure où des réseaux sociaux comme TikTok sont accusés de favoriser les théories complotistes (cf étude NewsGuard), une part significative de jeunes semble perméable aux thèses trumpistes sur la vie politique américaine. La thèse selon laquelle « L’assaut du Capitole en janvier 2021 a été mis en scène pour accuser les partisans de Donald Trump » a par exemple un nombre d’adeptes (24% en moyenne) deux fois plus élevé chez les utilisateurs pluriquotidiens de TikTok (29%) que chez les non-utilisateurs (19%). Alertant sur la sécession d’une fraction importante de la jeunesse avec le consensus médiatique, ces chiffres tiennent donc beaucoup au mode d’information et plus particulièrement à l’usage des réseaux sociaux comme Twitter ou TikTok au point que les sondeurs montrent au final que plus des deux tiers des jeunes (69 %) utilisant Tik-Tok adhèrent à au moins une des 12 contre-vérités scientifiques proposées par l’étude.

Pseudo-sciences et occultisme

Cette perméabilité des jeunes à un imaginaire complotiste se retrouve aussi dans d’autres croyances scientifiquement infondées (pseudo-sciences) telles que l’astrologie ou l’occultisme. Ainsi, 49% des jeunes estiment aujourd’hui que « l’astrologie est une science », contre 43% en 1999. Et sur d’autres croyances occultes, cette tendance à la hausse est encore plus nette au regard du nombre de jeunes qui croient par exemple aux esprits (48% : +8 points depuis 2004) ou en la réincarnation : 35% en 2022, soit une hausse de 15 points en seize ans. Mais la crédulité dans les pseudo-sciences a aussi son clivage générationnel : la croyance dans les prédictions des voyants est plus forte chez les jeunes (38%) que chez les seniors (12%) et celle liées aux envoutements et à la sorcellerie touche 36% des jeunes contre 20% des plus de 65 ans.
L’étude qui souligne cette sensibilité prégnante des jeunes aux superstitions à caractère occulte nous dévoile que globalement, 59% d’entre-eux croient au moins dans l’une d’entre elles, contre 21% de leurs aînés. Un gap générationnel qui se retrouve pour toutes les croyances, qu’il s’agisse du mauvais œil (44%, contre 10%), des fantômes (23%, contre 4%), des démons (19% chez les plus jeunes, contre 8%) ou bien encore des marabouts (13% des 18-24 ans, contre 4%). Pour François Kraus et Thomas Pierre, les auteurs de l’étude, les désordres informationnels de l’ère internet viennent sans doute accentuer la perméabilité traditionnelle des jeunes générations à ces croyances surnaturelles.

Révolution des pratiques informatives : l’influenceur

Cet essor des croyances complotistes ou infondées, soulignent les deux auteurs de l’étude, s’inscrit dans une révolution des pratiques informatives où la défiance à l’égard de l’information verticale, issue des autorités, s’est accompagnée d’une confiance plus grande dans sa transmission horizontale via les réseaux sociaux. Or, cela peut s’avérer problématique au regard du nombre de jeunes (41%) utilisant TikTok comme moteur de recherche qui estiment qu’un « influenceur » qui a beaucoup d’abonnés peut être une source fiable. Symptomatique d’un nivellement de l’expertise, ce chiffre révèle le manque de raisonnement critique d’une partie de la jeunesse à l’égard des « influenceurs populaires ». On pourrait aussi ajouter à la conclusion de cette étude très intéressante, que ce le manque de raisonnement critique de ces jeunes souffre d’un manque général de connaissances scolaires et particulier des notions de science, de vérité (scientifique) et de progrès.

Voir le détail de l’étude

Notice : Étude Ifop pour la fondation Reboot et la fondation Jean Jaurès réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 28 octobre au 7 novembre 2022 auprès d’un échantillon national représentatif de 2 003 jeunes, représentatif de la population française âgée de 11 à 24 ans. ».

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