«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

Cet article est en consultation libre

  • Publié le 13 mai 2022

Nous sommes tous dans le même bain Monsieur Piolle !

En France comme dans le reste du monde, politique et religion se partagent à nouveau, et de plus en ouvertement, pour le meilleur et pour le pire, la destinée des hommes et des États. Cette relation passionnelle entre Église et État, substantivés et institués, hérite la longue histoire d’une relation conflictuelle entre le pouvoir issu de la Raison et celui incarné par la Foi. La majorité des souverains dans l’histoire, et même aujourd’hui encore, tirent leur pouvoir et leur légitimité du droit divin et assurent leur prospérité et leur postérité dans ce mariage tumultueux de la raison pratique et de la foi religieuse. Dans nos société dites « modernes », pour être issues des Lumières, ce face à face entre l’Église et l’État, institué en France par la loi de 1905 et soutenu par le principe de liberté, liberté de conscience et de culte, fonde un modèle de société, un modèle social universel de confrontation idéologique et politique. Car dans la vie politique, pour peu qu’on l’ignore, rien en fait n’échappe à la Religion, rien ou presque ne peut être, pensé, discuté, entrepris sans référence à elle. Il faut s’y résoudre. Mais se résoudre à cette intrication substantielle, est-ce accepter de la rendre manifeste ? La liberté de conscience doit-elle se doter d’une forme, d’une couleur, se vêtir ou au contraire se dépouiller, en résumé se rendre manifeste pour exister ?

Aristide Briand, face aux attaques des partisans de l’interdiction des soutanes dans les rues, a toujours soutenu que la loi de 1905 n’est pas « une loi vestimentaire ». Que ce que cette loi édicte en fait, que ce qu’il faut observer, c’est le comportement, pas le vêtement. Alors que penserait-il et dirait-il du port du burkini qui pourrait être autorisé lundi prochain dans les piscines de Grenoble, ou encore, de la figure de l’affiche de campagne des législatives de 2022 de l’Union Démocratique des Musulmans de France ? Une affiche dont l’interprétation graphique savamment travaillée substitue à l’icône de la République, au buste sculpté de Marianne, celui d’une femme portant le Hijab.

Si pour l’État français, il n’y a pas de vêtement religieux ou non-religieux, un Hijab arboré sur l’affiche de campagne électorale officielle d’un parti ne devient-il pas symbole ? La réponse est oui. Forcément. Ce Hijab fait signe vers autre chose, vers quelque chose de plus universel, quelque chose qui déborde la communauté des femmes portant ce foulard, en l’occurence ici, vers l’Islam en tant que religion avec son ordre social. Mais dans ce contexte précis, même si les apparences apparaissent contraires et peuvent déranger et irriter, nous sommes dans le registre de la liberté de conscience et d’expression, et ici les libertés de conscience et de choix sont préservées par le vote. C’est sûrement ce qu’Aristide Briand aurait soutenu.

Mais pour le burkini, alors ? Au nom de la liberté d’accès aux services publics, Éric Piolle, maire EELV de Grenoble (Isère), souhaite autoriser le burkini dans les piscines de sa ville. Un vote aura lieu lors du conseil municipal du lundi 16 mai pour adopter un nouveau règlement intérieur des piscines de la ville qui prévoit d’autoriser le port de maillots de bain couvrants (burkini) lorsqu’ils sont portés par des femmes pour des raisons religieuses... Mais pas que... Les shorts de bain seront également autorisés, de même que les tee-shirts anti-UV ainsi que la pratique des seins nus (le monokini) pour celles qui le souhaitent. On s’interroge... D’autant que l’argument de la liberté d’accès aux services publics utilisé par Éric Piolle se complète de la référence suivante : « À la piscine, la loi de 1905 s’applique, il n’y a pas de question de laïcité, vous pouvez exprimer vos convictions comme vous pouvez le faire dans la rue ». C’est ce qu’il a déclaré, invité des « 4 Vérités » de France 2, jeudi 12 mai.
On s’étonne immédiatement de son propos contradictoire « À la piscine, la loi de 1905 s’applique, il n’y a pas de laïcité », révélateur d’une certaine gène, et pour le moins, d’une confusion dans la position tenue par l’élu.
On pourra lui aussi objecter que la rue n’est pas un service public au sens ou on l’entend généralement. Par ailleurs la liberté d’accès aux services publics n’est pas qu’une liberté mais aussi et avant tout un droit. Le règlement intérieur des piscines est une des expressions de ce droit. Les restrictions faites au port de certains vêtements comme le hijab, les crucifix en pendentifs ou les boucles d’oreilles, par exemple, sont partout en France constamment proscrits dans les pratiques sportives et de loisirs et même au travail. Ceci avant tout pour des impératifs de sécurité et d’hygiène. Dans les piscines les dispositions concernant le port d’un certain type de maillots de bains ajustés pour les hommes comme pour les femmes, l’obligation des bonnets de bains, ont été rendues obligatoires dans la dernière décennie également pour des raisons d’hygiène et d’entretien des équipements.
Le burkini est interdit par le règlement intérieur de nombreuses piscines couvertes et découvertes en France sans que le Conseil d’État n’ait été saisi et est fait part d’une quelconque irrégularité à la loi de 1905. On ne parle pas ici des plages et des baignades qui relèvent du domaine public, de l’espace public et non d’un équipement public.

Toutes ces notions de droit et administratives font autant sens dans le traitement du sujet qui nous occupe que la différence entre liberté de conscience (de croire ou de ne pas croire) et liberté de culte qui en est une expression.
Aussi revenons maintenant sur la liberté de conscience. Si nous nous interrogeons sur la nature de notre esprit à un moment donné, nous ne percevrons ni couleur, ni forme prouvant qu’il existe. Mais on ne peut pas dire qu’il n’existe pas non plus car diverses pensées ne cessent de se présenter à nous. Voilà un des paradoxes de la liberté de conscience, c’est qu’elle perd en liberté (de croire ou de ne pas croire) quand elle se manifeste, qu’elle se rend et se fait prisonnière d’un mot, d’une forme d’une couleur. Préserver la liberté de conscience c’est accepter qu’elle reste libre dans les faits, qu’elle résiste à la manifestation du singulier et qu’elle se cantonne, qu’elle s’adonne, aux valeurs universelles fussent-elles religieuses, mais dans tous les cas à minima républicaines. La liberté de culte qui est la manifestation de la liberté de conscience religieuse n’est pas possible en tout lieu et en tout temps. Au delà de l’ordre public, il y a le respect de la liberté de conscience de tous, de tous les français.
Nous sommes tous dans le même bain Monsieur Piolle !

Evénement
Solidaires !

L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, il faut agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de cette invasion par la force.

Informations
Opinion
Nos micro-trottoirs

«Quels signes ostensibles ?»

Découvrir

Tout savoir sur Croyances et Villes.

Découvrir


Une publication EXEGESE SAS, 14 rue du Cloître Notre-Dame 75004 Paris. N° SPEL 0926 Z 94013