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  • Publié le 1er octobre 2021

États d’urgence : le Conseil d’État fait 15 propositions en faveur d’une meilleure gestion des situations de crise

Novembre 2015, l’état d’urgence est déclaré au lendemain des attentats de Paris. Mars 2020, il est à nouveau déclenché pour faire face à la pandémie de covid-2019. Ces deux situations dramatiques de natures très différentes ont déclenché un même outil d’exception. L’utilisation de l’état d’urgence sur trois des six dernières années a conduit le Conseil d’État à s’emparer du sujet pour proposer aujourd’hui dans le cadre de la sortie de son étude annuelle 2021, une grille de lecture et d’emploi de ce régime d’exception, avec 15 propositions visant à améliorer l’action publique lors des crises à venir.

Mercredi 29 septembre, le gouvernement a annoncé une nouvelle loi prorogeant le pass – sanitaire jusqu’à l’été 2022. C’est aussi ce jour choisi par le Conseil d’État, qui sera sans aucun doute consulté par le gouvernement sur ce nouveau texte, pour présenter son étude annuelle ayant pour thème « Les états d’urgence : la démocratie sous contrainte ».
Connu pour ses décisions et ses avis la haute juridiction administrative est aussi un lieu de proposition et de réflexion. Une fonction à laquelle son vice président, Bruno Lasserre, tient particulièrement car, dit-il, « elle fait partie de l’ADN » du Conseil d’État qu’il aime comparer à « une ruche » où se produit une légitimité au travail de l’institution sur les grands sujets de société comme la laïcité et la bioéthique de même que cette étude sur les états d’urgence vient répondre aux inquiétudes de bon nombre de Français qui se demandent si le régime de l’exception est voué à devenir la norme. En effet, depuis 2015, l’état d’urgence a été déclaré à deux reprises en France, pour des raisons sécuritaires d’abord, sanitaires ensuite. Au final, les Français auront vécu plus de la moitié de la période 2015-2021, sous ce régime. Il est donc apparu utile au Conseil d’État de s’interroger sur ce qu’il recouvre. Quand et pourquoi déclencher l’état d’urgence ? Comment en sortir ? Quels sont les bénéfices, les inconvénients, les risques ? Quelles conséquences sur les libertés et l’État de droit ?

Tirer les enseignements des états d’urgence 2015-2021

L’analyse des états d’urgence récents a permis aux auteurs de cette réflexion de tirer différents enseignements sur ce régime d’exception, de cerner ses limites, ses avantages et ses risques.
Parmi les points principaux étudiés, l’étude revient en premier lieu sur l’opportunité de son utilisation. Atout indéniable pour adapter le cadre juridique existant au danger, à l’irruption d’une situation difficile, l’état d’urgence a aussi une utilité politique : il appelle au sursaut et à la mobilisation sous l’impératif « attention nous changeons d’époque, nous sommes dans un moment difficile. Il sonne un rappel destiné à répondre à un péril imminent » indique Bruno Lasserre pour souligner que l’état d’urgence est ainsi utile et efficace pour faire face à un désordre momentané, lorsqu’aucun autre outil juridique ou opérationnel n’existe.
Pourtant la « crise » est aujourd’hui de plus en plus confondue avec les menaces pérennes qui fragilisent en profondeur la société et pour lesquels l’état d’urgence n’est pas une solution pertinente. La question de son usage prolongé soulève également de nombreuses questions. Sur le long terme, son usage est délétère : il déstabilise le fonctionnement ordinaire des institutions, en bouleversant le rôle du Parlement et des institutions territoriales, banalise le risque, restreint les libertés de façon excessive et altère, à terme, la cohésion sociale et pose au final la question : l’État de droit peut-il résister à l’état d’exception et comment ? Car, la sortie de l’état d’urgence reste toujours difficile, un choix d’autant plus difficile lorsque la menace persiste. La sortie d’état d’urgence s’accompagne toujours d’un sentiment de « désarmement », de perte ou d’abandon de protection constate Bruno Lasserre : l’entrée dans l’état d’urgence est facile et la sortie est toujours difficile, car dans la sortie de l’état d’urgence, l’État vous dit, « je ne vous protège plus ». Par ailleurs, le retour en arrière est également difficilement vécu notamment pour les administrations qui sont en charge de la sécurité et à qui l’État a octroyé des moyens spécifiques de procédures d’enquêtes ou de surveillance. Il est difficile pour des administrations de « rendre ces mesures ». Ne pas entrer dans l’état d’urgence reste donc la meilleure solution conclut le Vice-président.

3 axes et 15 propositions pour mieux définir et organiser les états d’urgence

Mais force est de constater que nous y sommes. Bruno Lasserre annonce que Le Conseil d’État, à la demande du gouvernement, s’apprête à examiner le onzième texte sur l’état d’urgence sanitaire. Les mesures d’exception de textes précédants ayant déjà quelque peu essaimées dans le droit commun, le Conseil d’État est particulièrement vigilant sur de nouvelles introductions. Pour la haute juridiction adminsitrative, l’enjeu essentiel est de définir les limites à ne pas franchir et de garantir de solides garde-fous procéduraux et des contre-pouvoirs effectifs pour garantir la pratique démocratique et les libertés.
C’est pourquoi dans le premier axe de sa réflexion, le Conseil d’État recommande de préparer cette éventualité de l’urgence par l’élaboration d’un cadre global, à la fois juridique et opérationnel, destiné à renforcer l’efficacité de l’action des pouvoirs publics confrontés à des crises majeures tout en préservant les principes républicains. Il est notamment nécessaire de sortir de la confusion qui s’estinstallée entre état d’urgence et gestion de crise.
Ainsi le second axe de la réflexion vise à mieux organiser la puissance publique, l’état d’urgence sanitaire ayant révélé que notre organisation de gestion des crises majeures, même « si elle a fait la preuve de la résilience de l’État » souligne Bruno Lasserre, était perfectible. L’étude soulève ces faiblesses qui résultent, pour partie, d’une insuffisante capacité d’anticipation, d’une inadéquation des structures de pilotage interministériel (le SGDSN) et d’un émiettement des compétences.
Le rapport du Conseil d’État montre que les crises majeures donnent lieu à des modalités de pilotage très centralisées, au sommet de l’État (le Conseil de Défense), alors que les dispositifs actuels de pilotage continuent à reposer principalement sur des logiques ministérielles. Ainsi il préconise de confier au Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) les compétences et les moyens lui permettant de piloter la gestion de crise lorsque le Président de la République ou le Premier ministre prennent les commandes des opérations et de clarifier les responsabilités et l’articulation entre l’État et les collectivités territoriales avec l’élaboration de schémas d’interventions pour chaque grand type de crise sans oublier ceux qui existent déjà (les plans) et ne sont pas toujours connus et activés.
Ce qui justifie d’adapter les contrôles aux enjeux spécifiques des états d’urgence et constitue le troisième axe de la réflexion du Conseil d’État. Car même s’il ne dégrade pas l’État de droit et concourt à sa préservation face à des périls graves, l’état d’urgence, précise l’étude, se traduit par un renforcement considérable des prérogatives du pouvoir exécutif, tout particulièrement en matière de police administrative. Légitime et temporaire, ce renforcement appelle malgré tout un équilibrage par les contrôles parlementaires et juridictionnels. Ainsi le Conseil d’État propose dans son document d’inscrire dans la Constitution des règles procédurales fixant le cadre de mise en oeuvre des états d’urgence : modalités de déclenchement, de prorogation et de contrôle de constitutionnalité ainsi que de consolider le contrôle parlementaire en période d’état d’urgence, qu’il s’agisse des habilitations à légiférer par ordonnance, des pouvoirs exceptionnels conférés à l’exécutif ou des prérogatives d’enquête des commissions parlementaires. Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d’État, responsable de la publication de l’étude, envisage aussi dans ce cadre procédural qui serait donné au parlement d’y graduer la majorité requise du vote en fonction de l’intensité des mesures.
Enfin sur un plan plus technique et juridique, l’étude plaide pour l’activation, dès le déclenchement d’un état d’urgence, d’un comité de liaison entre le Conseil d’État et la Cour de cassation permettant d’examiner les questions de droit susceptibles de justifier un regard croisé des deux ordres de juridiction.

Ces trois axes de réflexion qui répondent aux préoccupations des Français et sans nul doute aussi, de ceux qui les gouvernent, sont traduites en 15 proposition précises accessibles sur le site du Conseil d’État en suivant le lien ci-dessous.

Présentation de l’étude « Les états d’urgence : la démocratie sous contrainte »

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