«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

Cet article est en consultation libre

  • Michel SEELIG
  • Publié le 9 avril 2020
  • Mise à jour: 10 avril 2020

Le ou les concordats ?… un peu d’histoire

Les dictionnaires nous apprennent qu’un concordat est « un accord passé entre un failli et ses créanciers, qui lui consentent remise d’une partie de sa dette », un accord « entre le pape et un État souverain, pour régler la situation de l’Église catholique sur le territoire soumis à la juridiction de cet État ». Le plus ancien des concordats connus est celui de Worms en 1122 : entre le pape Calixte II et l’Empereur du Saint Empire Henri V.

Le concordat de 1516

Il faut attendre quatre siècles pour qu’un tel texte concerne le Royaume de France, avec le Concordat de Bologne de 1516. Mais revenons quelque peu en arrière. Il nous faut rapidement rappeler les principaux aspects de l’histoire de l’Église catholique et de celle du Royaume de France au cours des quatre premiers siècles du deuxième millénaire.

L’une des rares éditions françaises (1817) du Concordat de 1516 (exemplaire de l’auteur)

L’Église, au XIe siècle, se dote d’une véritable structure hiérarchique. Jusque-là, les évêques jouissaient d’une grande autonomie, des conciles régionaux définissaient, rituels et pratiques. Les souverains, seigneurs locaux mais aussi rois et empereurs, étaient souvent maîtres des nominations de ces prélats (même si le principe de l’élection des évêques par « le peuple », plus précisément les chanoines de la cathédrale, subsistait, au moins de manière formelle). Avec la Réforme grégorienne, la hiérarchie descendante pape, archevêque, évêque, curé, s’impose peu à peu.
La Papauté se heurte alors à la principale puissance politique de l’époque, le Saint Empire Romain Germanique. C’est la fameuse Querelle des Investitures, investitures des évêques revendiquées par les deux protagonistes. Elle se conclut par le Concordat de Worms, cité plus haut.

Avec les Capétiens (Hugues Capet en 987), se constitue le Royaume de France (Philippe Auguste, au début du XIIIe siècle, sera le premier à porter le titre de roi de France – Avant lui, il n’y a que des rois des Francs). Il lui faudra plusieurs siècles pour prendre possession progressive d’un territoire proche de celui de notre nation actuelle, et jouer un rôle de premier plan en Europe occidentale.
Les évêques, les abbés des ordres monastiques, les curés les plus importants, ne manquent pas de ressource financière… Le roi et le pape souhaitent tous deux en prélever une part… Le conflit sous Philippe le Bel (roi de 1285 à 1314) voit le succès du roi : l’assemblée des évêques de France vote une contribution à la Couronne, les papes s’installent sous contrôle royal à Avignon… C’est le début de ce qu’on appelle le gallicanisme : l’organisation d’une Église « nationale », plus au moins autonome du Vatican et étroitement liée au souverain.

L’affaiblissement du prestige et du pouvoir pontifical conduit à une des plus grandes crises de l’Église en Europe occidentale : le « Grand Schisme » (1378/1417), où l’on voit deux, voire trois personnes se disputer le trône de Saint-Pierre… et surtout les conciles (réunion des évêques et autres prélats de toute l’Église) s’affirmer face au pouvoir du pape, réactiver les procédures d’élection des clercs qui avaient été, peu ou prou, abandonnées.
Dans ce contexte, les papes cherchent des appuis auprès des souverains, rois et empereurs… Les rois de France utilisent cette fragilité de l’Église et modifient leurs alliances en fonction de considérations financières et diplomatiques sur la scène européenne. C’est ainsi qu’en 1438, Charles VII promulgue la Pragmatique Sanction de Bourges, texte qui reprend l’essentiel des décisions des conciles, au détriment du pape. Durant quatre décennies, cet acte sera plusieurs fois abandonné puis réactivé, au gré des circonstances.

Au début du XVIe siècle, les rois de France mènent des guerres de conquête en Italie. Le pape (qui siège à nouveau à Rome) est aussi un souverain temporel : il possède les États pontificaux. Il prend part à des coalitions contre François Ier … et subit avec ses alliés une cuisante défaite à Marignan en 1515.
C’est dans ces circonstances qu’est conclu le Concordat de Bologne, l’année suivante. Ce traité est un compromis. D’une part, le roi renonce à soutenir les conciles et l’élection des évêques, abolit définitivement la Pragmatique. D’autre part, le pape accorde au Roi très Chrétien le privilège unique de pouvoir nommer les évêques avant qu’ils n’obtiennent la consécration religieuse.

Durant près de trois siècles, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ce Concordat sera le socle de l’union du trône et de l’autel dans le Royaume. Le roi soutiendra l’Église contre les hérétiques (Réforme protestante) et les déviants (jansénistes) et tous ceux qui mettent en cause le dogme ou l’autorité morale de l’institution.

La parenthèse révolutionnaire

Dès août 1789, la Révolution commence à mettre à bas cet édifice …
Le principe de la religion d’État est, de fait, aboli par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui consacre liberté de conscience et liberté d’expression.
C’est aussi la fin des avantages et privilèges de l’Église : ses très importants biens, notamment en terres et immeubles, sont nationalisés. Son exemption fiscale est abolie. Une part importante de ses ressources est tarie avec la suppression de la dîme (prélèvement qu’elle effectuait sur toutes les productions, surtout agricoles).

Puis, c’est un de ses principaux moyens de contrôle social qui disparaît avec la création de l’état civil : dorénavant, naissances, mariages et décès sont enregistrés en mairie et l’inscription sur les registres paroissiaux devient facultative. Le mariage devient un simple contrat entre deux personnes, libres de le rompre par un divorce.
Les Révolutionnaires voudront bientôt appliquer les principes démocratiques à l’Église, avec l’élection des curés et des évêques. Les clercs devront prêter allégeance aux dirigeants de la Nation par un serment civique. C’est toute l’organisation de l’Église de France qui est ainsi remodelée par la Constitution civile du clergé de juillet 1790.
Le monopole institutionnel de l’Église est aboli : protestants et juifs, jusque-là persécutés ou, au mieux, tolérés, deviennent citoyens.

Mais, après l’exécution de Louis XVI (21 janvier 1793) et les enrôlements massifs de paysans dans les armées révolutionnaires qui font face aux assauts des puissances européennes liguées contre la République , une guerre civile fait des ravages, avec des régions particulièrement touchées. Une partie non négligeable du clergé prend parti pour la monarchie, refuse le serment civique… et les Vendéens se constituent en une Armée catholique et royale.
Les Républicains poursuivent leur action contre l’Église : le 2 sans-culottide an II (18 septembre 1794), tout financement des cultes est supprimé ; le 3 ventôse an III (21 février 1795), est affirmé à la fois la liberté des cultes et la séparation des Églises et de l’État.
L’ambitieux général, vainqueur en Italie, de retour d’Égypte, arrive auréolé de gloire à Paris. Le coup d’État du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799) lui permet de devenir Premier consul, avec des pouvoirs quasi absolus.
Le calme n’est pourtant pas totalement rétabli à l’intérieur et les menaces extérieures subsistent (ce ne sera qu’après la victoire de Marengo que l’Angleterre qui anime la coalition contre la France signe la Paix d’Amiens le 25 mars 1802).

Le Concordat de Bonaparte

Il semble donc indispensable à Bonaparte de supprimer un motif particulier de tensions et de conflits : les relations avec l’Église catholique. C’est sans doute la raison principale qui le conduit à conclure une sorte de traité de paix avec le Vatican : le Concordat du 26 Messidor an IX (15 juillet 1801). Cet accord est conclu, nous dit très clairement son préambule, « tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure ».

Signature du concordat entre la France et le Saint-Siège, le 15 juillet 1801

Le contenu et l’analyse de ce texte fondamental seront présentés dans un prochain article. Il faut cependant conclure celui-ci par deux précisions :

  • Le traité concordataire sera complété par des lois françaises, les Articles organiques. D’autres textes fixeront les relations avec l’État et l’organisation interne des autres cultes présents en France au début du XIXe siècle : les cultes protestants (réformés et luthériens) et le culte juif.
  • Tous ces textes connaîtront des adaptations, des compléments, tout au long du siècle et seront abrogés par la loi du 9 décembre 1905 de Séparation des Églises et de l’État.

L’Auteur  : Michel Seelig, président du Conseil de l’IUT de Metz et du Cercle Jean Macé, membre actif de nombreuses associations et structures laïques, est l’auteur de Vous avez dit Concordat ? Sortir progressivement du régime dérogatoire des cultes [L’Harmattan 2015] et de César et Dieu – Deux millénaires de relations entre cultes et pouvoirs [L’Harmattan 2019].

Illustration de couverture  : "Triomphe de Bonaparte" (allégorie au Concordat et à la paix d’Amiens), Claude-Louis Desrais - © RMN-GP, musée Carnavalet (site https://art.rmngp.fr)

La définition du concordat citée provient du Dictionnaire culturel en langue française, dirigé par Alain Rey. Paris, Éditions Le Robert, 2005, p. 1753

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