«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

Guerre en Ukraine : L’Église russe orthodoxe part « en manœuvre »

Ce 7 juin, lors d’un synode, le Patriarcat de Moscou a démis le métropolite Hilarion de Volokolamsk de ses fonction responsable des affaires extérieures du patriarcat de Moscou pour le nommer métropolite de Hongrie. Dans le même temps, il a créé la métropole de Crimée. Une manière d’entériner un peu plus l’annexion à la Russie de cette partie de l’Ukraine, mais peut-être aussi une première réponse à la récente prise d’indépendance de l’Église russe orthodoxe d(’Ukraine vis à vis de Moscou. L’Église russe orthodoxe part « en manœuvre »...

Le métropolite Hilarion (Alfeyev) exilé ou relocalisé ?

Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe a relevé le métropolite Hilarion de Volokolamsk de son poste de président du département des relations extérieures de l’Église orthodoxe russe. C’est ce qui ressort des comptes rendus publiés d’une réunion du Synode qui s’est tenue à Moscou mardi 7 juin. « En tant qu’administrateur du diocèse de Budapest-Hongrie, le métropolite Hilarion, métropolite de Volokolamsk, sera nommé métropolite de Budapest et de Hongrie, avec sa libération de ses fonctions de président du Département des relations extérieures de l’Église, de membre permanent du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe et de recteur des études post-universitaires et doctorales des saints Kirill et Méthode » peut-on lire.
Le métropolite Hilarion, était pourtant reconnu de la haute direction de l’Église orthodoxe russe pour son travail visant à diffuser et à renforcer l’orthodoxie russe en Russie et dans d’autres pays. Il était également candidat à la succession de Kirill et s’était récemment rapproché de Poutine, pour le conseiller. La décision le concernant ressemble à une disgrâce mais, selon des personnes du Patriarcat et des experts, ce n’est en fait pas le cas. En plein conflit avec l’Ukraine et au cœur des prises de sanction européennes contre la Russie, ses dirigeant et autres personnalités influentes, sa nomination dans la Hongrie pro-Poutine de Viktor Orban donne à réfléchir.
La Hongrie pourrait ressembler à un exil pour le métropolite Hilarion, notamment parce que la communauté orthodoxe y est très réduite, moins de quatre mille personnes. Mais au scénario d’une démission honteuse provoquée par la colère du patriarche Kirill, certainement outré que l’Union européenne ait pris des sanctions à son encontre, s’ajoute celui d’une installation de l’ex-président du département des affaires extérieures du Patriarcat de Moscou au sein de l’Union européenne, et au côté du principal allié de l’EOR et ami personnel du patriarche Kirill, le Premier ministre hongrois Viktor Orban. L’intérêt de ce licenciement est alors différent : éloigner Hilarion des soupçons de collaboration avec le Kremlin et devenir un envoyé personnel du patriarche Kirill auprès de l’UE pour mener à bien toutes les missions politiques sensibles et qui nécessitent d’être confidentielles. Deux sources travaillant au sein du Patriarcat de Moscou et connaissant la manière dont la décision du Synode concernant le métropolite Hilarion a été prise ont affirmé à la BBC que sa nomination en Hongrie est conforme à ses propres souhaits, mais qu’elle a été longtemps coordonnée avec le patriarche.

Condamnation du schisme de l’Église russe d’Ukraine pour l’isoler

L’avant-dernière réunion du synode de l’Église orthodoxe russe (EOR) s’est tenue le 29 mai. Elle a été entièrement consacrée à la « question ukrainienne » car deux jours plus tôt, un conseil de l’Église russe orthodoxe d’Ukraine (UOC), tenu à Kiev, avait modifié la charte de l’Église et annoncé « la pleine indépendance et autonomie de l’Église ukrainienne », vis à vis de Moscou. L’Église orthodoxe russe à Moscou a toutefois réagi avec prudence aux nouvelles de Kiev. Le 29 mai, son synode convoqué d’urgence a décidé que les modifications de la charte de l’UOC devaient être étudiées. Et il a ajouté que les changements doivent être approuvés par le patriarche Kirill avant de pouvoir entrer en vigueur. Pour autant que l’on puisse en juger, la décision de l’UOC de quitter la structure de l’Église orthodoxe russe était vraiment sérieuse : le premier dimanche après le conseil de son église, le chef de l’UOC, le métropolite Onufry a, de manière inouïe, fait référence au patriarche Kirill non pas comme son « grand seigneur et père » mais simplement séparé par une virgule parmi les autres chefs des églises locales, comme on le fait dans les églises autocéphales.
Une réaction plus forte aux décisions de l’Eglise ukrainienne était attendue de la nouvelle réunion du synode de l’EOR. Et cette réaction est apparue. Cette fois la formule « pression continue exercée sur l’UOC par les autorités ukrainiennes » et une partie « extrémiste » de la société a été complétée d’une formulation très claire : l’Église russe n’est pas satisfaite de la façon dont la situation dans sa « branche ukrainienne » évolue, le Patriarcat de Moscou soulignant à plusieurs reprises qu’il considère l’UOC comme sa partie intégrante, bien qu’autonome. Ainsi L’EOR a d’abord exprimé son soutien aux prêtres et aux croyants de l’UOC qui « s’efforcent d’adhérer à la norme canonique de commémoration du patriarche de Moscou », mais beaucoup ont déjà renoncé à cette liturgie. Deuxièmement, le synode de l’EOR a « rappelé » que toute décision visant à changer le statut de l’EOR doit être prise « dans le cadre de la procédure canonique, qui comprend une décision d’un conseil local de l’EOR ». En d’autres termes, Moscou considère les récents changements apportés à la charte de l’UOC comme illégitimes et concernant la commémoration du patriarche Kirill, qui préoccupe tant le synode de l’Église orthodoxe russe, plusieurs experts s’interrogent pour savoir s’il n’est pas possible d’avoir exactement la même forme de commémoration du clergé, telle qu’elle existe aujourd’hui dans l’Église orthodoxe universelle. Mais la phrase de la décision du synode de l’EOR - selon laquelle « des actions arbitraires visant à changer le statut de l’UOC peuvent provoquer un nouveau schisme en son sein » sonne comme un avertissement. La meilleure preuve de ceci se trouve dans la suite de la décision du synode.

Création de la Métropole (russe) de Crimée

Ainsi, trois diocèses qui se trouvent en Crimée et qui jusqu’à présent étaient dans la structure de l’UOC seront désormais directement subordonnés au Patriarche Kirill. L’appartenance des diocèses de Crimée à l’Église ukrainienne était jusqu’à récemment une preuve visible de la validité du concept de « territoire canonique », selon lequel les frontières de l’Église ne doivent pas nécessairement coïncider avec les frontières des États. Ce changement vise à confirmer l’annexion de la Crimée par la Russie, qu’elle est un territoire russe. D’ailleurs trois évêques de Crimée en ont directement appelé au patriarche de Moscou et de toute la Russie pour qu’il les prenne sous son omophorion et les représentants de l’UOC des diocèses situés dans les territoires échappant au contrôle de Kiev ont voté contre les changements récents apportés à la charte de l’Église ukrainienne et se sont opposés à son autonomisation. Et pourtant, non seulement le patriarche Kirill était absent à la pompeuse cérémonie d’incorporation de la Crimée à la Russie de mars 2014, mais il ne s’est jamais rendu depuis dans la péninsule annexée. Du point de vue de Moscou, aujourd’hui non seulement la Crimée est la Russie, mais l’église de Crimée est également russe.
Alors que la réaction officielle de l’église ukrainienne (UOC) aux décisions de Moscou est encore en préparation, deux de ses évêques interrogés par la BBC sous couvert d’anonymat partagent des évaluations radicalement différentes des décisions du synode de l’EOR.
« Nous nous sentirons même mieux après cette décision sur la Crimée », dit l’un d’entre eux, l’évêque en chef de l’un des diocèses d’Ukraine centrale. - Désormais, nous ne serons plus accusés que nos prêtres servent les occupants (les médias ukrainiens font périodiquement état d’une coopération étroite entre les prêtres de Crimée de l’UOC et les représentants de l’armée russe en Crimée - commentaire de la BBC). Et ainsi - « légalisé » l’agression territoriale de l’église.
« La décision d’aujourd’hui pourrait donner l’impulsion nécessaire pour lancer des appels similaires aux diocèses du Donbass (non contrôlé par le gouvernement) », a encore déclaré au média britannique un autre hiérarque en poste dans l’est de l’Ukraine. Dans ce cas - si des diocèses individuels commencent à se détacher de l’UOC et à rejoindre l’Église orthodoxe russe - n’est-ce pas le « schisme » contre lequel le synode de l’Église russe met en garde (mais à son profit) dans sa décision ? En effet, comme un retour sur les changements adoptés lors du conseil de l’UOC est peu probable, il y a donc peu de chance d’empêcher les diocèses du sud-est de l’Ukraine de dériver vers Moscou.De même, les diocèses de la DNR et de la LNR autoproclamées pourraient suivre l’exemple des diocèses de Crimée - le diocèse de Rovenky a décidé le 31 mai de rester « sous l’omophorion de Sa Sainteté le patriarche de Moscou et de toute la Russie » et de « suspendre la commémoration pendant les services du métropolite Onufry en tant que primat de l’UOC ».
Le synode a usé de toute sa force pour juguler l’autocéphalie de l’Église russe orthodoxe ukrainienne.

Illustration (Patriarcat de Moscou) : Une réunion du synode de l’EOR à Moscou le 7 juin 2022. Les photographies officielles de la réunion ne montrent pas le métropolite Hilarion, jusqu’à ce jour membre permanent du synode.

Sources : BBC News, Stolica-s.su, website du Patriarcat de Moscou.

Evénement
Solidaires !

L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, il faut agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de cette invasion par la force.

Informations
Opinion
Nos micro-trottoirs

«Quels signes ostensibles ?»

Découvrir

Tout savoir sur Croyances et Villes.

Découvrir


Une publication EXEGESE SAS, 14 rue du Cloître Notre-Dame 75004 Paris. N° SPEL 0926 Z 94013