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- Publié le 14 septembre 2021
- Mise à jour: 17 septembre 2021
Inde : le jaïnisme joue la carte du nationalisme Hindou
Plus petit des six principaux groupes religieux d’Inde après l’hindouisme, l’islam, le christianisme, le sikhisme et le bouddhisme, le jaïnisme, une religion non violente, est pratiqué par 0,4 % de la population indienne. Plus instruits et plus riches que la moyenne des Indiens, les jaïns représentent aujourd’hui 4 % de la population de Mumbai, capitale du Maharashtra et centre névralgique des affaires en Inde. Une position de force qui pour être aussi fragile, pousse la communauté des jaïns à se rapprocher du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste hindou au pouvoir.
Les jaïns estiment avoir beaucoup en commun avec les hindous indiens. Apparu il y a au moins 2500 ans dans la région orientale de l’Inde, le jaïnisme fait partie des plus anciennes religions. Le jaïnisme propose de se libérer du cycle sans fin des renaissances et d’atteindre un état d’omniscience appelé moksha. Pour y parvenir le jaïn doit mener une vie non violente, l’ahimsa, en ayant le moins d’impact négatif possible sur les autres formes de vie. Ces traditions du jaïnisme ont été largement perpétuées par une succession de 24 tirthankaras, ou maîtres, notamment Vardhamana Mahavira, le dernier des tirthankaras qui est probablement un contemporain de Gautama Bouddha. Mahavira et Bouddha ont tous deux souligné l’importance de l’autodiscipline, de la méditation et de la vie ascétique comme clé du salut. Leurs enseignements contrastaient souvent avec ceux des prêtres védiques de l’époque qui mettaient l’accent sur les pratiques rituelles et leur propre rôle d’intermédiaire entre l’humanité et les dieux.
Mais malgré les différences théologiques entre les enseignements jaïns et hindous - l’hindouisme enseigne que l’univers a été créé, ce qui n’est pas le cas du jaïnisme - les deux religions partagent de nombreuses similitudes dans leurs enseignements et leurs pratiques. Par exemple, les deux religions enseignent le karma, et près des trois quarts des jaïns (75 %) et des hindous (77 %) disent croire au karma. Par ailleurs, dans le jaïnisme comme dans l’hindouisme on pratique le végétarisme. Presque tous les jaïns sont végétariens, conformément à la recommandation de poursuivre l’ahimsa (ne pas nuire à d’autres vies). Environ neuf jaïns indiens sur dix (92 %) s’identifient comme végétariens, et deux tiers des jaïns (67 %) vont plus loin en s’abstenant de manger des légumes-racines comme l’ail et l’oignon. Manger des légumes racines est considéré comme une forme de violence dans les enseignements jaïns, car consommer la racine d’une plante détruit la plante dans son intégralité. Ces pratiques alimentaires s’étendent à l’extérieur de la maison ; plus de huit végétariens jaïns sur dix déclarent également qu’ils ne mangeraient pas de nourriture dans la maison d’un ami ou d’un voisin non végétarien (84 %) ou dans un restaurant qui sert de la nourriture non végétarienne (91 %). Ainsi environ deux tiers des jaïns (66 %) considèrent que les deux communautés ont beaucoup en commun [1].
Toutefois ce sentiment de communauté d’âme n’est pas totalement réciproque : seuls 19% des hindous voient beaucoup de points communs avec les Jaïns. Ce décalage peut s’expliquer par le fait que les Jaïns ont tendance à mieux connaître les hindous - qui représentent 81 % de la population indienne - que l’inverse. Trois jaïns sur dix déclarent en savoir « beaucoup » sur la religion hindoue et ses pratiques, alors que seulement 3 % des hindous disent bien connaître le jaïnisme.
Cultiver le sentiment élitiste
En Inde, la richesse et l’éducation sont inextricablement liées à la caste. Les Jaïns sont le seul groupe religieux en Inde dont la majorité des membres déclarent appartenir à une caste supérieure de la catégorie générale. La plupart des Indiens (68%) sont membres de castes inférieures (castes répertoriées, tribus répertoriées ou autres classes arriérées), contre 20% des Jaïns qui s’identifient à ces communautés.
Les Jaïns sont aussi, majoritairement plus instruits et plus riches que l’ensemble des Indiens. Environ un tiers (34 %) des adultes jaïns ont au moins un diplôme universitaire, contre 9 % pour le grand public, selon le recensement indien de 2011. En outre, la grande majorité des Jaïns font partie des quintiles de richesse les plus élevés de l’Inde, selon l’enquête nationale sur la famille et la santé.
Une communauté communautariste
Comme de nombreux Indiens, les jaïns préfèrent généralement vivre séparément des autres groupes religieux et des castes. Si la quasi-totalité des jaïns (92 %) se disent prêts à accepter un voisin hindou, ils sont nettement moins nombreux à se dire prêts à accepter un musulman (38 %), un chrétien (46 %), un sikh (55 %) ou un bouddhiste (58 %) dans la région où ils vivent. De plus, une grande majorité de Jaïns indiens disent qu’il est important d’empêcher les femmes (82%) et les hommes (81%) de se marier à d’autres groupes religieux. Et bien qu’ils ne représentent qu’une faible proportion de la population nationale, près des trois quarts des jaïns affirment que tous ou la plupart de leurs amis proches sont également jaïns (72 %). Ces attitudes sectaires ne sont pas rares en Inde - la majorité des hindous s’opposent également aux mariages interreligieux - et peuvent en partie être liées à la composition démographique particulière des Jaïns.
Au sectarisme religieux s’ajoute celui des castes. La majorité des Jaïns s’identifient comme des membres des castes supérieures de la catégorie générale, quand les bouddhistes indiens s’identifient en grande majorité comme des dalits, ou des membres des castes inférieures répertoriées. De fait, les Jaïns sont beaucoup plus nombreux que la majorité des Indiens à déclarer qu’ils n’accepteraient pas comme voisin un membre d’une caste répertoriée (41 % contre 21 % au niveau national). Il sont aussi une grande majorité à dire qu’il est important d’empêcher les femmes (79 %) et les hommes (74 %) de leur communauté de se marier avec des membres d’autres castes.
Les préférences alimentaires jouent également un rôle dans l’attitude des Jaïns à l’égard des autres groupes : la plupart des musulmans et des chrétiens en Inde, par exemple, ne sont pas végétariens.
Une proximité politique avec le parti nationaliste au pouvoir
Sur un plan politique, les Jains se sentent proches du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti au pouvoir dans le pays ; 70 % se disent proches du BJP quand seulement 8 % avouent se sentir plus proches du Congrès national indien (INC), le principal parti d’opposition. Cela fait des Jaïns la communautés religieuses d’Inde la plus favorable au pouvoir en place, loin devant les hindous qui ne sont que 44 % à se sentir proches du BJP et de son programme nationaliste hindou.
La préférence politique des Jaïns pour le BJP est en partie liée à leurs opinions sur la religion et l’identité nationale qui reflètent d’une certaine manière des sentiments nationalistes hindous. Une part importante des jaïns (44%) déclare d’ailleurs qu’il est très important d’être hindou pour être vraiment indien et 54% lient l’identité indienne authentique au fait de parler la langue hindi, l’une des dizaines de langues parlées en Inde. Tous ces sentiments sont, dans la population hindou, étroitement associés au soutien au BJP.
[1] Source : Rapport du Pew Research Center de juin 2021
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