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  • Publié le 16 octobre 2020

Séparatisme islamiste : Ghaleb Bencheikh veut en sortir par le haut avec la Fondation de l’Islam de France

Dans son discours du 2 octobre au Mureaux, le président de la République, Emmanuel Macron a annoncé que l’État soutiendrait à hauteur de 10 M € les activités de la Fondation de l’Islam de France (FIF) l’inscrivant de fait dans le dispositif du futur projet de loi sur la lutte contre le séparatisme islamiste Nous sommes donc allés rencontrer Ghaleb Bencheikh son président, pour savoir comment sera utilisée cette dotation.

Pour qui ne connaitrait pas encore Ghaleb Bencheikh, faute de l’avoir entendu le dimanche matin interroger ses invités dans Question d’islam sur France Culture ou vu dans l’émission Islam de France 2 qu’il présente en alternance avec Chems-Eddine Hafiz (recteur de la Grande Mosquée de Paris) depuis 1983, il lui suffirait alors de s’imaginer un homme convaincu, autant qu’il en est pétri, que seule l’éducation, la culture et la connaissance sont la thérapie efficace pour lutter contre l’ignorance et la stupidité « si facile à partager », capables d’« endiguer la vague déferlante wahhabo-salafiste et de pourfendre les thèses des salafistes ». La Fondation née en 2015, l’est notamment de cette volonté de contrecarrer, par la connaissance et la culture, l’idéologie salafiste, « réductrice et manichéenne », qui nourrit le terrorisme djihadiste.
Mais alors que peut-on opposer à la « barbarie » ? Rien d’autre que la civilisation. Et de civilisation il en a été question tout au long de notre entretien : dans une parfaite maitrise du concept - l’ensemble des phénomènes sociaux (moraux, esthétiques, scientifiques, techniques, religieux) d’une grande société qui s’opposent à la « nature » et à la « barbarie » - Ghaleb Bencheikh le décline dans toutes les actions de la FIF entendant (re)donner du sens et son brio à civilisation islamique.

Dès son élection à la présidence de la Fondation de l’Islam de France, en 2018, succédant à Jean-Pierre Chevènement dans la résolution de la question épineuse de l’islam en France, Ghaleb Bencheikh a lancé trois grands chantiers.
Premier chantier : des Universités Populaire Itinérantes portent de villes en villes et de quartiers en quartiers le débat public sur l’islam en France. « Un débat citoyen entre musulmans et non musulmans, un débat pour apprivoiser les peurs, exorciser les hantises, domestiquer les angoisses, débattre, crever l’abcès (…) le rôle de la FIF est de prodiguer une thérapie par la circulation de la parole et cela peut aussi concerner le débat intra-islamique » tient-il à préciser ;
Second chantier : une université numérique, le Campus Lumières d’islam, une somme de connaissances sur la civilisation islamique dans ses aspects architecturaux, littéraires, musicaux, poétiques, d’islamologie et même spirituels avec l’ambition de faire très vite de ce campus numérique, le premier site de référence francophone : « J’en ai assez » répète-t-il « de voir la civilisation de l’islam ramenée à une affaire de certificat de virginité. Ce n’est pas possible. Nous ne pouvons pas accepter et tolérer cela » ;
Troisième chantier : l’octroi de bourses d’études aux étudiants en thèse de doctorat d’islamologie et pour la formation républicaine des imams. Depuis 3 ans, la FIF a ainsi financé 143 bourses d’un montant de 700 € chacune. L’ambition de son président est de distribuer autant de bourses qu’il y a de lieux de culte musulman en France, c’est à dire plus de 2500.
Pour mener tous ces projets, il a bénévolement (il tient à le faire savoir) utilisé au mieux la première mise de fonds de l’État (un peu moins d’un million d’euros) et les dons des partenaires, notamment des fondateurs de la Fondation : ADP, la SNCF et CDC Habitat. On en saura plus le 4 novembre prochain, la FIF devrait présenter en conférence de presse le bilan de ses actions et de ses comptes.
La confirmation d’une dotation de 10 millions d’euros annoncée par le président est donc une véritable bouffée d’air pour envisager l’avenir et les nombreux projets qui enthousiasment par avance Ghaleb Bencheikh. Car on ne peut évidemment pas imaginer que pour avoir annoncé la somme de 10 millions d’euros, le président de la République n’eut reçu préalablement un projet chiffré. Un projet « avec des mission stratégiques premières » confirme le Président de la FIF.

Des missions stratégiques qui seront de trois ordres. Le premier touche pour la première fois à la sphère sociale puisqu’il s’agit pour la Fondation de préserver les enfants de certains quartiers, des germes et tentations dites jihadistes. De nombreuses mères de familles, nous raconte Ghaleb Bencheikh m’interpellent lors de conférences, lors de débat de l’UPI dans les quartiers, en me disant « aidez-nous, nos enfants n’ont que le choix entre la délinquance et la radicalisation ». À l’avenir la Fondation envisage donc de verser pour les enfants de ces familles des allocations pour les inscrire dans un premier temps dans des internats, les extraire d’un milieu hostile, les immuniser contre l’islamisme. Une « mission stratégique première » qui fait écho aux préoccupations du gouvernement. Elle devrait représenter un montant important du budget.
Coté éducation, la Fondation va continuer de donner des bourses aux étudiants en thèse de doctorat d’islamologie savante et d’aller « vers le cœur du métier qui est le nôtre, qui est celui de la formation républicaine, une formation solide sur les valeurs de la république qui vient en complément de la formation cultuelle des cadres religieux musulmans (imams, aumônier, prédicateur, pslamodieur,...), confirme le président de la FIF. Et d’ajouter « cela ne dispense pas d’avoir une formation cultuelle qui (souvent) à mon goût n’est même pas du niveau de la théologie classique ». Une manière de pousser son projet d’Institut d’islamologie annoncé par Emanuel Macron, puisqu’en principe c’est une émanation FIF, nous avoue-t-il. Cet institut hybride, public – privé, comporterait une partie « confessante » . Telles que Ghaleb Bencheikh voit les choses aujourd’hui, il s’agit de créer un institut dont la partie publique sera en lien avec l’université française, peut être avec l’EPHE, l’EHESS ou une autre université dans une formation diplômante de type LMD en lien avec une partie privée où seront formés des imams à la seule condition qu’ils soient inscrits au parcours universitaire de la partie publique. Ce serait donc un institut de recherche en islamologie fondamentale, d’islamologie savante, qui serait aussi un lieu de formation des imams. La FIF qui dotée d’un solide conseil d’orientation dispose de l’ingénierie pédagogique nécessaire et rêve avec ce projet de poursuivre le travail de prédécesseurs qualifiées comme Mohammed Arkoun ou encore Malek Chebel qui en avaient eux-même rêvé.
Optimiste autant qu’enthousiasme Ghaleb Bencheikh pense que c’est une affaire de quelques années 2, 3, peut-être 10, et qu’il faut s’en donner les moyens et en avoir la volonté. Pour illustrer cette résolution, il lui plait de nous citer un poète arabe mort en 965 et qui s’était fait passer pour un prophète et qui avait écrit : « À la mesure des hommes déterminés se tiennent les grandes résolutions ». La civilisation, toujours la civilisation.

Depuis qu’il est président de la FIF, Ghaleb Bencheikh a engagé avec la Fondation une archéologie de l’islam. Il s’agit de débusquer tous les faits et les traces intellectuelles et artistiques de la civilisation islamique dans la société européenne. Pour avoir fait la courte exégèse de la question polémique mais symptomatique : Sans Mahomet, Charlemagne aurait-il été empereur ? tiré de l’essai non moins polémique Mahomet et Charlemagne écrit en 1922 par l’historien Henri Pirenne, nous ne pouvons qu’adhérer à l’idée et à la méthode.
Mieux encore, dans la perspective de cette lutte annoncée contre le séparatisme islamiste, on ne peut alors qu’applaudir aux projets culturels de la FIF comme de monter des pièces de théâtre, des opéras comme l’Enlèvement au sérail composé par Mozart dont l’intérêt comme le souligne Ghaleb Bencheikh est que le Pacha Sélim Bassa y est présenté comme un homme magnanime qui consent à restituer l’amoureuse Konstanze à son fiancé Belmonte et donne une vision et une idée du musulman comme étant un homme longanime, en en faisant ainsi un modèle identificatoire. Creuser les faits, les arts, les sciences, faire l’archéologie de la culture d’islam en Europe c’est pour finir le grand projet « politique » de la FIF. Un projet d’exposition dénommé : L’islam et l’Europe, XV siècle d’histoire, une exposition « quasi-universelle » tempère son président. Sans qu’une date précise soit encore connue, la manifestation s’annonce d’ores et déjà comme le résultat grandiose de cette quête de la prégnance civilisationnelle de l’islam sur histoire de l’Europe depuis la gastronomie à la connaissance des arts et des sciences et jusqu’à l’archéologie étymologique de la langue arabe dans les langues latines et notamment française.

On pourrait encore citer mille et une choses pour dépeindre ce tableau foisonnant d’idées et de projets de la FIF, cette oeuvre très ambitieuse à laquelle se consacre Ghaleb Bencheikh, la mission éducative, culturelle et désormais sociale, que se donne la Fondation de l’Islam de France.
Mais pour autant que ces initiatives et ces missions apparaissent logiques, évidentes, nécessaires et réellement enthousiasmantes pour « sortir par le haut » de l’ignorance et de la barbarie, des conséquences délétères du salafisme et du séparatisme islamiste sur la société française, elles soulèvent tout de même quelques questions, appellent quelques remarques. Dans nos sociétés, la connaissance et le savoir sont élitistes par essence : peu de jeunes français accèdent au cycle LMD (Licence Master Doctorat). Quant à la culture, comme l’argent elle ne ruisselle pas. Un tel projet vise à raison, à former des élites et à espérer que ces élites puissent ensemencer la société. Mais peut-on vraiment espérer des élites aujourd’hui, que peut-on en attendre ? Cette question qui se pose à la société française se pose inévitablement à la FIF qui en est une émanation. Ne pas y réfléchir et y répondre, n’est-ce pas prendre le risque que la question épineuse de l’islam en France ne soit pas « derrière nous », ne soit pas « aplanie », ne voient que le haut et se sépare du bas.

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