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  • Publié le 29 juin 2020
  • Mise à jour: 2 juillet 2020

Vacances : faire respecter la neutralité des piscines et baignades publiques

Si toutes les piscines n’ont pas encore pu rouvrir leurs portes au lancement de la nouvelle phase du déconfinement, les plages et baignades de plan d’eau voient déjà arriver les premiers estivants et s’apprêtent à accueillir, au cours de cet été particulier, la grande majorité des français qui ne partiront pas à l’étranger. Une occasion de faire un point sur les règles de neutralité qui s’appliquent à ces espaces publics et la manière pour les municipalités de les faire respecter.

Des lieux soumis aux règles de l’espace public

En France, les établissements organisant la pratique d’activités aquatiques et de baignades tels que les piscines sont principalement gérés par les collectivités territoriales. En effet, 72 % des piscines accessibles au public appartiennent aux collectivités territoriales et en grande majorité aux communes.

Les personnes fréquentant les bassins des piscines ou les baignades des plages et des plans d’eau municipaux peuvent être considérées comme des usagers du service public vis-à-vis desquels il n’existe pas de législation restrictive quant au port d’une tenue qui s’apparenterait à un motif religieux. En d’autres termes, la manifestation de la liberté de conscience prime tant qu’elle ne trouble pas l’ordre public. Un trouble à l’ordre public que le maire devra, si tel est le cas, faire cesser au titre de ses missions de police administrative générale.

Le cas emblématique du burkini

La difficulté que pose l’application de la laïcité dans les établissements organisant la pratique d’activités aquatiques et de baignades s’est cristallisée ces dernières années dans le port du burkini (ou de tout maillot non-autorisé) dans les piscines municipales.

L’un des épisodes les plus emblématiques est cet épisode du 23 juin 2019 quand sept femmes accompagnées de militants associatifs pénètrent dimanche après-midi vers 15 h 30 dans la piscine Jean-Bron de Grenoble pour se baigner vêtues d’un burkini. Soutenues par une association citoyenne, estimant n’enfreindre aucune règle d’hygiène ou de sécurité, elles expliquent agir « sans aucune conviction religieuse », et revendiquent de défendre ainsi « la liberté de toutes les femmes ».
Malgré l’intervention rapide des vigiles et de la direction de l’établissement, elles ont pu se baigner et se faire photographier dans le bassin par les médias locaux conviés. A leur sortie du bassin, vers 17 heures, elles ont été verbalisées de 35 euros pour ne pas avoir respecté le règlement intérieur de la piscine.
À la suite de cet épisode, le ministère des sports et l’Observatoire de la laïcité ont publié en juin 2019, un livret intitulé « Laïcité et gestion du fait religieux dans le sport ». Il y est rappelé que « les personnes fréquentant une piscine municipale peuvent être considérées comme des usagers du service public vis-à-vis desquels il n’existe pas de législation restrictive quant au port d’une tenue qui s’apparenterait à un motif religieux ». Mais il est rarement et objectivement difficile de ne pas différencier une combinaison de natation d’un burkini. Dès lors, l’interdiction d’une tenue de bain de type « burkini » dans une piscine publique qui ne peut se fonder sur le principe de laïcité, doit se constituer « sur la base de raisons objectives telles que l’hygiène et/ou la sécurité », et des données matérielles démontrant que pour des raisons sanitaires, d’hygiène ou de sécurité, une telle tenue ne peut être autorisée.

Dans une telle situation, l’ouverture d’un dialogue des personnels et des encadrants avec la personne impliqué est nécessaire afin de lui expliciter les raisons objectives de la restriction qui ne peut être fondées que sur des règles légales telles que l’hygiène et/ou la sécurité, mais aussi démontrables afin de ne pas aboutir à une discrimination indirecte pour des raisons religieuses.
Ainsi dans la discussion avec les contrevenantes, il aurait pu ainsi leur être opposé que ce type de tenue de bain couvrante peut être composé de matières ou comporter des volants qui ne permettent pas d’en garantir la propreté. Leur indiquer également, qu’il est obligatoire pour des raisons d’hygiène de se mettre en tenue de bain sur place (souvent ces tenues sont portées préalablement à la venue à la piscine). Enfin, que le port d’une tenue couvrant l’ensemble du corps ne peut pas entrer en contradiction avec l’obligation de prendre une douche savonnée avant l’entrée dans le bassin, ni avec les règles de sécurité en cas d’accident.
Quant à la revendication militante de la « liberté de toutes les femmes », toujours délicate (et souvent vaine) à discuter, on peut objecter qu’elle ne convainc pas vraiment dans la mesure où elle ne garantie aucunement, ni ne démontre celle, réelle, de se vêtir comme elles l’entendent, de toutes et chacune des femmes musulmanes qui décident d’aller à la piscine.

Des solutions pour maintenir la neutralité

Le règlement intérieur des piscines : L’existence d’un règlement intérieur dans les établissements organisant la pratique d’activités aquatiques et de baignades est primordial.

En effet, si le code du sport et le code de la santé publique imposent aux établissements organisant la pratique d’activités aquatiques et de baignades des règles sanitaires, de sécurité et de surveillance. Pour autant, aucune disposition législative ou réglementaire ne traite spécifiquement des tenues vestimentaires. Il est donc laissé à la libre appréciation des établissements et de leurs exploitants le soin de fixer des règles dans leur règlement intérieur.
À Grenoble, nous l’avons vu, la baignade en burkini n’est pas autorisée par le règlement intérieur. Mais à Rennes, ce même règlement a été modifié pour autoriser cette pratique.

Les arrêtés municipaux pour les plages et les plans d’eau : En milieu ouvert, l’espace public est régi par des arrêtés. Les plages du littoral et les plans d’eau intérieurs font parfois l’objet d’arrêté quand la baignade est jugée dangereuse pour des raisons sanitaires ou météorologiques. Mais là aussi les arrêtés municipaux ne peuvent être pris que pour des raisons d’hygiène ou de sécurité.
En 2016, la Ville de Cannes, qui avait pris un arrêté interdisant l’accès à la plage à « toute personne n’ayant pas une tenue correcte respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité », a du rembourser l’amende infligée à la plaignante. « En l’absence de risques de trouble à l’ordre public, cet arrêté, en interdisant les tenues manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages a méconnu les libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir et la liberté de conscience, d’où découle le principe de laïcité, garanti par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales » avait estimé le tribunal administratif de Nice.

Gérer les demandes de non-mixité  : Sur le fondement du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes et du principe d’interdiction des discriminations, les demandes de non-mixité doivent être refusées en heures ouvrables. Cependant, il existe trois exceptions, qui ne sont pas fondées sur des raisons religieuses :

  • La protection des victimes de violences à caractère sexuel.
  • Les considérations liées au respect de la vie privée et de la décence, la promotion de l’égalité des sexes ou des intérêts des hommes et des femmes.
  • La liberté d’association ou l’organisation d’activités sportives.

En raison du principe de non-discrimination, une municipalité ne peut donc octroyer un créneau horaire à un groupe de personnes mettant en avant leur souhait de se séparer des autres, du fait de leur pratique ou de leur conviction religieuse. En revanche, des demandes de cours de sport réservés aux femmes sans qu’il n’y ait de références religieuses ou de discrimination dans le choix des femmes est possible. Mais il ne pourra pas être expressément demandé à ce que le professeur soit une femme.
Faire respecter les règles de la laïcité est toujours question de bon sens et de nuance.

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