«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

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  • Publié le 20 mai 2020
  • Mise à jour: 22 mai 2020

Qui est Jésus en Islam ?

Lorsque les musulmans parlent de Jésus, ils sont censés dire « La paix soit sur lui », comme pour le Prophète Muhammad. Dans la littérature musulmane, qui va plus loin que le Coran, il est même annoncé comme celui qui reviendra sur terre avant le jour du Jugement pour restaurer la justice. Le philosophe Soufi Al-Ghazali le décrit comme le ’prophète de l’âme’. Jésus dont l’existence précède la révélation du Coran fait donc partie des grandes figures saintes de l’islam, il y est même la plus distinguée de toutes. Regard sur quelques interprétations arabes et ottomanes de la figure de Jésus dans le Coran.

L’Islam range dans la classe des prophètes tous les patriarches et tous les saints de « l’ancienne loi », comprenez du judaïsme et du christianisme. Elle honore la mémoire de tous, et consacre même quelques-uns d’entre eux par des dénominations distinguées. Adam est appelé : le pur en Dieu ; Seth [1], l’envoyé de Dieu ; Enoch, l’exalté de Dieu ; Noé, le sauvé de Dieu ; Abraham, l’ami de Dieu ; Ismaël [2], le sacrifié en Dieu ; Jacob, l’homme nocturne de Dieu ; Joseph, le sincère en Dieu ; Job, le patient en Dieu ; Moïse, la parole de Dieu ; David, le calife ou vicaire en Dieu ; Salomon, l’affidé en Dieu, etc. Jésus (Isa en arabe) est distingué au-dessus de tous ; il est appelé l’Esprit de Dieu, puisque l’Islam admet sa conception immaculée dans le sein de la sainte Vierge, Marie (Maryam).

L’Annonciation dans le Coran

De nombreux passages du Coran sont dédiés à la vierge Marie [3]. La naissance de l’enfant-jésus telle que relatée dans l’Islam se déroule dans le désert, sans Joseph (fiancé à Marie dans le Nouveau testament), ni personne d’autre. Marie accouche seule, se réfugiant sous un palmier mort dont des dates mûres tombent miraculeusement pour qu’elle se nourrisse, un courant d’eau étant apparu à ses pieds. La grossesse et l’accouchement d’une femme non mariée a suscité beaucoup de questions aux exégètes et aux fidèles musulmans, toutes balayées par les paroles de Jésus vu comme un prophète de Dieu. La naissance de Jésus en Islam est finalement l’histoire d’un triomphe sur les préjugés. Une posture théologique emblématique du pragmatisme de la tradition musulmane.

Jésus vu comme l’esprit de Dieu

L’islam place Jésus-Christ à la tête de tous ces prophètes. Voici comment Ahmed-Effendi, diplomate et écrivain ottoman du XVIe siècle [4], s’énonce sur la naissance, la vie et la mission de Jésus-Christ. « Le fils de Marie, est né à Bethléem, qui veut dire ’’maison des viandes’’ ou ’’marché du bétail’’. Marie, fille d’Amram [5] et d’Anne, descendait, comme Zacharie et Jean-Baptiste, de la tribu de Juda, par Salomon. Jésus-Christ, ce grand prophète, naquit d’une vierge par le souffle de l’archange Gabriel, le 25 décembre 5584, sous le règne d’Hérode, et l’an 42 d’Auguste, le premier des Césars. Il eut sa mission divine à l’âge de trente ans, après son baptême par saint-Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain. Il appelle les peuples à la pénitence. Dieu lui donne la vertu d’opérer les plus grands miracles. Il guérit les lépreux, donne la vue aux aveugles, ressuscite, les morts, marche sur les eaux de la mer ; sa puissance va jusqu’à animer par son souffle un oiseau fait de plâtre et de terre. Pressé par la faim, avec ses disciples, il reçoit du ciel, au milieu de ses angoisses et de ses ferventes prières, une table couverte d’une nappe et garnie d’un poisson rôti, de cinq pains, de sel, de vinaigre, d’olives, de dattes ; de grenades et de toutes sortes d’herbes fraiches. Ils en mangent tous, et cette table céleste se présente dans le même état pendant quarante nuits consécutives.

Jésus (Isa), en blanc se trouve sur la plus haute marche dans le quart supérieur gauche de la gravure

Ce Messie des nations prouve ainsi son apostolat par une foule de prodiges. La simplicité de son extérieur, l’humilité de sa conduite, l’austérité de sa vie, la sagesse de sa morale, sont au-dessus de l’humanité aussi est-il qualifié du nom saint et glorieux de Rouh Ullah, l’esprit de Dieu. Il reçoit du ciel le saint livre des Evangiles. Cependant les Juifs corrompus et pervers le persécutent jusqu’à demander sa mort. Trahi par Judas, et près de succomber sous la fureur de ses ennemis, il est enlevé au ciel, et cet apôtre infidèle, transfiguré en la personne de son maître, est pris pour le Messie et essuie le supplice de la croix avec. toutes les ignominies qui étaient destinées à cet homme surnaturel, à ce grand saint, à ce glorieux prophète ». Ainsi en Islam, Enoch, Khidir, Elie et Jésus-Christ, sont les quatre prophètes qui eurent la faveur insigne d’être enlevés au ciel vivants.

Jésus est-il réellement mort crucifié ?

Plusieurs imams, selon Ahmed-Effendi, croient cependant à la mort réelle de Jésus-Christ, à sa résurrection et à son ascension, comme il l’avait prédit lui-même à ses douze apôtres, chargés de prêcher en son nom la parole de Dieu à tous les peuples de la terre.
Il indique ainsi qu’Ismaïl [6] fils d’Aly, raconte plus au long l’histoire de sa passion. Voici comment il s’exprime : « Comme les Juifs cherchaient avec empressement à se saisir, de Jésus, un de ses disciples vint trouver Hérode, juge de la nation, et le collège des Juifs : ’’ Que me donnerez-vous, leur dit-il, si je vous montre le Christ ? ’’. Ils lui donnèrent trente deniers ; alors il leur découvrit où était Jésus.
Il cite également Ibn’al-Athir [7], qui dit dans ses annales que les docteurs sont partagés en différentes opinions au sujet de sa mort, avant qu’il montât au ciel. Les uns prétendent qu’il y fut enlevé sans mourir, d’autres soutiennent que Dieu lui ôta la vie pendant trois heures, d’autres pendant sept. Ceux qui défendent ce dernier sentiment s’appuient sur ce passage du Coran, où Dieu dit au Christ : ’’ O’ Jésus je terminerai ta vie et t’élèverai jusqu’à moi’’. Les Juifs ayant donc pris un homme qui ressemblait au Christ, le garrottèrent, et le traînant avec des cordes, ils lui disaient : ’’ Toi qui ressuscitais les morts, ne pourras-tu te délivrer de ces liens  ? ’’ Et ils lui crachaient au visage. Ensuite ils jetèrent sur lui des épines et l’attachèrent à la croix, où il demeura pendant six heures. Un charpentier, nommé Joseph, vint demander son corps à Hérode, surnommé Pilate, qui était juge des Juifs, et il l’ensevelit dans un tombeau qu’il avait préparé pour lui-même. Alors Jésus descendit du ciel pour consoler Marie, sa mère, qui le pleurait, et lui dit : Dieu m’a pris à lui, et je jouis du souverain bonheur. Il lui commanda ensuite de faire venir ses apôtres, qu’il établit ambassadeurs de Dieu sur la terre, leur ordonnant de prêcher en son nom ce que Dieu l’avait chargé d’annoncer aux hommes. Les apôtres alors se dispersèrent dans les différentes contrées qu’il leur avait assignées. » Abou’lhasan Ali Wahidi, fils d’Ahmed, fils de Mohammed, un des principaux commentateurs du Coran témoigne comme les précédents que c’était uniquement par haine que les Juifs cherchaient à faire mourir le Christ, et qu’ils attribuaient ses miracles à la magie. « Les Juifs, dit-il, ayant rencontre Jésus, s’écrièrent : ’’Voici le magicien, fils de la magicienne ; voici l’enchanteur, fils de l’enchanteresse ’’, et se répandirent en injures et en blasphèmes contre lui et contre Dieu. Jésus les ayant entendus, fit contre eux cette imprécation : ’’ O’ Dieu ! Vous êtes mon Seigneur ; je procède de votre esprit, et vous m’avez créé par votre parole. Ce n’est point de mon propre mouvement que je suis venu vers eux ; maudissez donc ceux qui m’ont outragé moi et ma mère ’’. Dieu l’exauça, et changea en pourceaux ces blasphémateurs. Ce qu’ayant vu Judas, qui était leur chef, il fut saisi de crainte. Alors les principaux de la nation s’assemblèrent pour faire périr Jésus, et dirent au peuple : ’’ C’est la présence de cet homme qui attire sur vous la malédiction du Seigneur ’’. Aussitôt les Juifs se lèvent, transportés de fureur, et courent fondre sur Jésus pour le mettre à mort ; mais Dieu envoie Gabriel, qui le transporte par une fenêtre dans une maison d’où le Seigneur l’enlève au ciel par une ouverture pratiquée sous le toit pour livrer passage à la lumière. Judas ordonne à un de ses satellites nommé Titianus d’entrer par cette fenêtre pour tuer Jésus. Le soldat pénètre dans la maison, et ne l’y trouvant pas, Dieu le transfigure en la personne du Christ ainsi les Juifs le mettent à mort et le crucifient ».

Ses miracles reconnus

On voit par ces passages que les théologiens musulmans arabes et ottomans admettent la réalité des miracles de Jésus-Christ, et qu’ils les attribuent à une vertu surnaturelle qui était en lui. S’ils ne reconnaissent pas sa nature divine, ils le croient cependant supérieur aux autres hommes. Nous avons vu plus haut qu’ils avouent sa naissance miraculeuse produite parle souffle de Dieu dans le sein d’une vierge, et même sa conception immaculée. Il y a plus, nous avons des savants, qui regardent Mahomet comme le premier auteur qui ait parlé positivement de l’immaculée conception de la mère de Jésus. Voici le passage du Coran qui a donné lieu à ce sentiment singulier : « L’épouse d’Amram dit à Dieu, lorsqu’elle eut donné le jour à sa fille : Mon seigneur c’est une fille que j’ai enfantée (or le seigneur connaissait seul ce qu’était cette enfant) ; mais nul homme ne lui sera comparable. Je l’ai nommé Mariam (Marie), je vous la recommande elle et sa race future contre Satan qui a été lapidé » [8].
Les commentateurs arabes favorisent encore davantage la théologie catholique que les commentateurs ottomans. Certains disent à propos de ce verset, que l’histoire nous apprend ’’qu’aucun enfant ne vient au monde sans éprouver à sa naissance l’attouchement de Satan ’’, et que telle est la cause des cris qu’il pousse en naissant, à l’exception ajoutent-ils, de Marie et son fils. D’autres, que : Tout descendant d’Adam, du moment qu’il vient au monde, est touché au côté par Satan. Il faut en excepter toutefois Jésus et sa mère car Dieu interposa entre eux et Satan un voile qui les préserva de son fatal attouchement, de sorte que le démon ne toucha que le voile. En outre, il est rapporté que ni l’un ni l’autre ne tombèrent dans les péchés que commet le reste des enfants d’Adam.

Ainsi, quoique le Prophète Muhammad nie la divinité du Christ, le Coran lui fait les éloges les plus hauts ; il annonce qu’il reviendra avant la fin des temps pour régner sur la terre appuyant cette mission sur l’autorité de l’Evangile, qu’il préconise sans cesse et qu’il cite presque à chaque page. Souvent étrangement interprété diront les théologiens chrétiens.

Illustration de couverture :le Prophète Muhammad sur un dromadaire et Jésus sur un âne chevauchent de concert, peinture tirée d’une Chronologie des peuples anciens d’al-Birouni, Tabriz (Iran), 1306-07, Edimbourg, University Library © akg-images / Pictures From History

[1Seth est un personnage de la Genèse, premier livre de la Bible. Il est le troisième enfant d’Adam et Ève, conçu après le meurtre d’Abel par Caïn. C’est un ancêtre de Noé.

[2Les Musulmans considèrent que ce fut Ismaël et non Isaâc qu’Abraham eut l’ordre de sacrifier au Seigneur

[3Dans le Coran les passages qui concernent la vierge Marie sont les suivants : 3:31-48 ; 4:156 et 171 ; 5 :17, 46, 75 et 78 ; 19:16-30 ; 21:91 ; 23:50 ; 43:57 ; 66:12.

[4Ahmed Resmî Efendi, aussi appelé Ahmed bin İbrahim Giridî, né vers 1694-1700 à Resmo en Crète ottomane, mort en août 1783, probablement à Constantinople, est un diplomate, militaire et écrivain politique de l’Empire ottoman.

[5Le Coran confond Marie, mère de Jésus, avec Marie, soeur de Moïse, dont le père s’appelait Amram. Ce n’est pas le seul anachronisme du Coran.

[6Premier des sept imams cachés selon les livres des Druzes

[7Abū al-Ḥasan ʿAlī ibn al-Athīr est considéré comme l’un des plus grands historiens du monde musulman. Témoin des croisades, il est l’auteur de l’un des ouvrages les plus emblématiques de l’historiographie musulmane médiévale : Al-Kāmil fī At-tārīkh, ou l’Histoire Complète

[8Dans l’islam, Satan fut chassé à coups de pierres par Abraham, lorsqu’il le tentait en voulant l’empêcher d’immoler son fils, selon l’ordre qu’il avait reçu de Dieu.

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