«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

Cet article est en consultation libre

  • Publié le 18 juillet 2022
  • Mise à jour: 22 juillet 2022

Remise du 31e rapport de la CNCDH : des Français plus tolérants mais la lutte contre les discriminations est encore loin d’être gagnée

Une acceptation des minorités en hausse dans l’Hexagone depuis 1990. C’est le premier constat dressé par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme dans son rapport annuel remis à la ministre de Isabelle Rome ce lundi 18 juillet. Mais si le rapport de la CNCDH révèle une tolérance des Français en hausse, il met aussi en garde contre la stigmatisation de certaines minorités et donne des pistes intéressantes au gouvernement pour accentuer la lutter contre les discriminations systémiques.

Dans son 31e rapport annuel remis ce lundi 18 juillet par Magali Lafourcade, secrétaire générale de la CNCDH à la ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Isabelle Rome, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme fait état d’une tolérance globale des Français en hausse ces dernières années mais pointe aussi la stigmatisation de certaines minorités, notamment les tsiganes ou roms. Ainsi, d’un côté, la part des Français qui se considèrent eux-mêmes comme racistes continue de diminuer depuis vingt ans pour atteindre cette année un niveau historiquement bas : 15 % des répondants se disent plutôt racistes (3 %) ou un peu racistes (12 %). Des pourcentages en baisse de 3 points par rapport à 2019 (en 2000, 43 % des Français interrogés se disaient plutôt ou un peu racistes). De l’autre, dans cette même société française plus tolérante, les préjugés racistes restent toujours présents. Les chiffres du ministère de l’Intérieur sont clairs : les infractions racistes et antisémites sont toujours plus nombreuses mais aussi toujours aussi peu dénoncée par leurs victimes. Donc pas de quoi se reposer sur ses lauriers semble indiquer ce rapport qui outre ses propositions rappelle dans ses recommandations prioritaires « l’importance de l’éducation » dans la lutte contre les discriminations.

Un indice de tolérance en hausse depuis 10 ans

Depuis 2008, la CNCDH calcule le niveau de tolérance de la société envers les minorités, au moyen d’un « indice de tolérance ». En 2022, la France atteint le score de 68 points sur une échelle de 100, un record pour Magali Lafourcade : « La tolérance n’a jamais été aussi élevée dans notre pays ». L’indice de tolérance est désormais de 68, soit une progression de 2 points par rapport à 2019 et de 3 points par rapport aux pics de 2017 et de 2009.

Comme le montre le graphique ci-dessus, les minorités noires et juives sont les moins victimes d’intolérance, avec un seuil respectif de tolérance de 80 et de 79, alors que les minorités musulmanes et roms sont les plus ciblées par le manque de tolérance, avec des indices respectifs de 62 et de 52.
Ces deux dernières minorités sont également les plus ciblées par les préjugés racistes les plus ancrés dans la société française. 45 % des Français pensent que les « Roms vivant essentiellement de vols et de trafics » (contre 48,2 % en 2019), 38 % des sondés sont convaincus que « l’islam est une menace contre l’identité française » (contre 44,7 % en 2019) et 37 % d’entre eux estiment que « les Juifs ont un rapport particulier à l’argent » (contre 34,1 % il y a deux ans).

Deux minorités particulièrement visées

Si la tolérance des Français à autrui est en progrès, le résultat doit cependant être nuancé, car si la tolérance a atteint un niveau inédit, elle ne s’applique pas à toutes les minorités, comme le montre le graphique. Les préjugés contre les musulmans sont tenaces : 38% des Français considèrent que « l’islam est une menace contre l’identité de la France » (44,7% en 2019). On a là un exemple du renouvellement des argumentaires. « Le racisme étant aujourd’hui tabou dans notre société, on assiste à la disparition de certains argumentaires au profit d’autres comme ’’les gens sont différents’’ ou s’agissant des musulmans ’’je n’ai rien contre l’islam mais...’’ » a expliqué la chercheuse Nonna Mayer,venue présenter les résultats du baromètre CNCDH et l’Indice de tolérance.
Le rapport alerte également sur la situation « des gens du voyage », visés par « une forme de racisme décomplexée qui ne décroit pas en France ». La communauté rom, sédentarisée ou non (essentiellement les gitans), est la minorité la moins bien tolérée en France, avec seulement 52 points sur 100, et 45 % des Français pensent que les Roms vivent essentiellement de vols et de trafics, contre 48,2 % en 2019. Leur situation est si préoccupante que la CNCDH a jugé utile d’émettre un groupe de recommandations attachées au logement qui depuis la création et le traitement des aires d’accueils visées par un « racisme environnemental », en passant par la résorption des bidonvilles, tendent à vouloir donner, à l’horizon de 10 ans, un nouveau statut au logement des roms, à reconnaître la caravane comme un logement à part entière et non comme un « habitat » et donc de lui attacher l’ensemble des droits qui vont avec. Porté par la CNCDH et la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL), le projet, déclare Manuel Demougeot, directeur de Cabinet, est « une vraie révolution ». En charge de la mission « Résorption des « bidonvilles » il indique y travailler avec la commission consultative des gens du voyage, lâchant un « c’est pas gagné ! » pour mieux souligner la difficulté qui attend l’acceptation et la mise en place du statut de citoyen français itinérant.

Le « chiffre noir »

L’expression quelque peu effrayante désigne l’ensemble des actes racistes non déclarés et qui échappent à la justice. Les infractions racistes et antisémites toujours plus nombreuses et toujours aussi peu dénoncée par les victimes. Selon le rapport de la CNCDH, environ 1,2 million de personnes seraient victimes chaque année d’au moins une agression à caractère raciste. Un chiffre qui tranche avec le nombre de condamnations prononcées pour ce type d’infraction : moins de 1 000 par an (955 en 2020). « On voit qu’il y a une faillite des institutions pour rendre compte de la criminalité réelle », estime Magali Lafourcade, Par ailleurs, très peu de victimes portent plainte, par honte, par peur des représailles, ou par défiance vis-à-vis de la police. Un engrenage que Magali Lafourcade espère combattre : « S’il y a beaucoup de plaintes, beaucoup de poursuites pénales et beaucoup de condamnations, on peut espérer que le phénomène recule ». Ainsi, aujourd’hui, le nombre de condamnation pénale pour discrimnation est de zéro. La moitié des affaires de racisme est classée sans suite et lorsqu’elles ne le sont pas, seulement 45 % d’entre elles donnent lieu à des poursuites pénales. L’état de sous déclaration massive du racisme et de l’antisémitisme crée évidemment un climat d’impunité face à ces actes qui lèsent les victimes et contribuent à la perte de la cohésion sociale. Cette situation fait l’objet de la première des 12 recommandations prioritaires de la CNCDH

Les recommandations prioritaires de la CNCDH

Pour faire face à ces chiffres qui demeurent inquiétants, la CNCDH a établi 55 recommandations dont douze « prioritaires », comme faire de la lutte contre les discriminations liées à l’origine une des priorités de l’Etat, instaurer une trêve scolaire (afin de prévenir toute rupture de scolarisation liée à une expulsion [1]), mettre en place la plainte en ligne ou encore mieux former les enseignants, les forces de l’ordre (qui pourraient utiliser un formulaire de dépôt de plainte plus adaptés, inspiré du modèle utilisé en Grande-Bretagne préconise la commission) et les magistrats sur cette thématique.pour continuer à lutter contre les discriminations. Elle préconise ainsi de renforcer l’usage de dispositifs de pré-plaintes ou de plaintes en ligne et d’abandonner la pratique des « mains courantes » qui ne « vont jamais en justice » insiste Magali Fourcade. Parmi les autres mesures prioritaires figurent également la meilleure formation de l’ensemble du personnel scolaire, le civisme numérique, considéré comme « un élément essentiel de la lutte contre la haine en ligne ». La Commission recommande aussi un investissement humain et financier du gouvernement pour lutter contre l’antitsiganisme et un engagement de ce dernier pour « faire évoluer le regard et les pratiques vis-à-vis des populations roms ».
Des recommandation que la CNDH espère voir reprises dans le Grand Plan contre le Racisme et l’Antisémitisme annoncé pour la fin de l’année par la ministre Isabelle Lonvis-Rome. « Un plan évaluable avec une approche territoriale » a t-elle précisé soulignant son ambition de mettre en place un plan concret pour « faire diminuer « le chiffre noir » qui selon elle traduit « une souffrance cachée » et une « incompréhension de la République ».

illustration : Isabelle Lonvis-Rome ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances reçoit le rapport 2021 de la CNCDH des mains de Magali Lafourcade, secrétaire générale de la CNCDH venue présenter le rapport et ses principales recommandations.

[1Le rapport fait état de 1330 expulsions de lieux de vie informels répertoriés en 2021.

Evénement
Solidaires !

L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, il faut agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de cette invasion par la force.

Informations
Opinion
Nos micro-trottoirs

«Quels signes ostensibles ?»

Découvrir

Tout savoir sur Croyances et Villes.

Découvrir


Une publication EXEGESE SAS, 14 rue du Cloître Notre-Dame 75004 Paris. N° SPEL 0926 Z 94013