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Rapport sur le racisme en 2019 : Une France globalement tolérante, mais un racisme de plus en plus agressif

Rapporteur national indépendant sur la lutte contre le racisme sous toutes ses formes, la CNCDH vient de publier son rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. S’articulant autour de deux grands axes, le rapport a comme objectifs de comprendre le phénomène raciste en France, d’analyser l’action de tous les acteurs étatiques et non étatiques en matière de lutte contre le racisme, et de formuler des recommandations pour le prévenir et le combattre. Il révèle une France toujours globalement tolérante mais où le racisme s’avère être une réalité sous-estimée dans une tendance de plus en plus agressive.

Des Français globalement de plus en plus tolérants

Plus de trois quarts des Français adhèrent à la lutte contre le racisme. L’indice de tolérance [1] (ILT), en hausse constante depuis 2013, se stabilise à l’indice 66/100 après avoir atteint son plus haut point l’année dernière avec un indice à 67. Si les noirs et les juifs sont bien tolérés (79), les Roms, ce qui inquiète la CNCDH, sont en revanche les plus fortement discriminés (36) : 60 % des français pensent qu’ils « exploitent très souvent les enfants ». Parmi les préjugés qui restent très présents, on note que 34 % des Français pensent que les juifs ont un rapport particulier à l’argent. Ils sont 44,6 % à penser que « l’islam est une menace pour la France » et une constante qui peut inquiéter face aux échéances électorales à venir : 59 % de Français pensent que « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale ». La prédisposition à la tolérance comme le rappelle le rapport est liée à de multiples variables : politiquement, plus la personne se situe à droite, moins elle est tolérante mais le sentiment d’insécurité économique, la connaissance et l’expérience d’autres cultures, le niveau de diplôme, et l’âge jouent également.
Les questions d’ordre économique et social restent les premières préoccupations des Français, loin devant les questions d’immigration, de racisme et d’intégrisme religieux, qui sont au plus bas, chaque nouvelle génération étant toujours plus tolérante que celle qui l’a précède.

Le racisme au quotidien : une préoccupation majeure, une réalité sous-estimée

Les résultats encourageant sur l’état de l’opinion et les préjugés ne doivent pas faire oublier que le racisme lié à l’origine fait de nombreuses victimes. Des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes sont victimes chaque jour de discriminations dans l’accès aux services publics, à l’éducation, au logement, dans le monde du travail, voire lors des contrôles d’identités et sur les réseaux sociaux.
La CNCDH s’inquiète cette année encore de la persistance de préjugés et de discriminations fortes envers certaines minorités et tout particulièrement, comme nous l’avons écrit précédemment, envers la communauté des Roms. La prévention et la déconstruction des préjugés dans tous les pans de la société doit donc être privilégiée pour la lutte durable contre le racisme.

La CNCDH relève un autre fait inquiétant : l’augmentation des actes racistes, à mettre en perspective avec le faible nombre de contentieux pour motif raciste, autrement dit ce que la CNCDH appelle « le chiffre noir . L’expression « chiffre noir » désigne l’ensemble des actes racistes non déclarés et qui échappent donc à la Justice. Depuis de nombreuses années, la CNCDH appelle les pouvoirs publics à remédier aux causes de la sous-déclaration des actes racistes par les victimes. Elles tiennent essentiellement au manque de formation des personnels qui prennent les plaintes (police et gendarmerie) et de ceux qui les instruisent (magistrat). C’est ainsi que beaucoup de victimes d’injures racistes hésitent à porter ou à maintenir leur plainte d’autant, comme le précisent les auteurs du rapport, que ces actes sont souvent commis sans témoins. Les chiffres parlent d’eux même : en 2019, 1,1 millions de personnes ont été victimes d’au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, 6603 affaires ont été transmises en justice pour seulement 393 condamnations.
Outre la formation des personnels de l’enregistrement et de l’instruction des plaintes, la CNCDH propose aussi de mieux faire connaître aux citoyens les moyens de porter plainte et de développer une alternative aux condamnation classique avec des peines pédagogiques (stages de citoyenneté).

Racisme anti-Noirs et haine sur Internet

Le rapport met l’accent sur le racisme anti-Noirs et sur la haine sur Internet. Si la CNCDH est très attachée à une approche globale du racisme, elle tient aussi à souligner les formes spécifiques qu’il peut prendre selon les minorités concernées : discrimination à l’emploi, au logement et dans l’accès à l’école mais aussi invisibilité sociale (non représentativité dans les médias ou dans les manuels scolaires). Le focus du rapport sur le racisme anti-Noirs met en lumière des préjugés encore très actifs, souvent sous-estimés, et propose plusieurs recommandations pour les combattre comme par exemple l’évidente application de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 affirmant que le caractère fondamental du droit au logement doit être garanti et indiquant qu’ « aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire ».

Le focus sur la haine sur Internet revient lui sur la loi sur la haine en ligne, la PPL AVIA adoptée définitivement par l’Assemblé nationale le 13 mai 2020, et sur laquelle la CNCDH a émis un avis critique. Bien qu’inquiète en effet et consciente que la diffusion de messages à caractère haineux est favorisée par l’anonymat permis dans les réseaux sociaux, la CNCDH juge la loi inadéquate et disproportionnée avec des risques de censures non justifiées. Depuis 2015, la CNCDH recommande à l’État français de se doter d’une autorité indépendante de régulation qui serait notamment chargée de prévenir, de répondre rapidement, et de manière adaptée, aux discours de haine sur Internet. Elle préconise pour cela un dispositif de plainte en ligne avec le développement d’une application mobile de Pharos et le maintien du juge pour le retrait des contenus illicites et son corolaire évident : le prononcé des sanctions.

Travail : un candidat d’origine maghrébine a 20 % de chances en moins d’obtenir une réponse d’un recruteur qu’un candidat ayant un patronyme considéré comme typiquement français

Enfin, le rapport relève qu’en 2019, dans le monde du travail, le 17 décembre, un jugement des prud’hommes a reconnu la « discrimination raciale systémique ». Une avancée notable, car dans la sphère du travail, tant dans le secteur public que le secteur privé, « l’origine » – considérée ici au sens large, en recoupant l’origine, la nationalité, le lieu de résidence, l’apparence physique, la langue, le patronyme – est en France l’une des principales sources de discriminations. Le critère de l’origine représente ainsi le deuxième motif de saisine du Défenseur des droits en matière
de discrimination (entre 10 et 15 % des dossiers reçus par le Défenseur des droits chaque année), après le handicap. De plus, le domaine de l’emploi représente près de 60 % des saisines reçues en 2019 par le Défenseur des droits pour discrimination à raison de l’origine avec 35.5 % de celles-ci pour le domaine de l’emploi privé et 24,40 % pour la fonction publique. Toujours en 2019, les discriminations fondées sur l’origine constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits dans l’emploi privé (voir contribution du Défenseur des droits accessible en ligne sur le site de la CNCDH). Ces discriminations se manifestent dans l’accès au stage, à l’emploi, à la formation ou encore à travers des différences de rémunération ou d’avancement qui se répercutent tout au long de la carrière et pèsent sur les retraites.
Au total 17 600 candidatures et demandes d’information fictives ont été envoyées à 103 entreprises dans six régions. Un candidat d’origine maghrébine a 20 % de chances en moins d’obtenir une réponse d’un recruteur qu’un candidat ayant un patronyme considéré comme typiquement français. Il faut également rappeler que, en amont de l’entrée dans le monde du travail, des pratiques discriminatoires semblables ont pu être constatées dans le cadre de la formation, notamment lors de la recherche de stage.
Dans le monde du travail, la prévention du racisme passe par le dialogue social et la négociation collective. Or la CNCDH note avec inquiétude les effets de la récente réforme du code du travail et des ordonnances Macron. La fusion des instances représentatives du personnel (IRP), et notamment des CHSCT, dans le Comité social et économique (CSE) conduit à l’appauvrissement de la négociation collective sur le lieu de travail et supprime les rares lieux où ces thèmes pouvaient être débattus. La redéfinition des priorités de ces nouvelles institutions conduit à une marginalisation de fait des politiques d’égalité et de prévention des discriminations. La réduction du nombre de représentants du personnel est également de nature à compliquer considérablement le traitement préventif des discriminations.
Parmi ses recommandations pour la lutte contre le racisme au travail, la CNCDH recommande aux pouvoirs publics, et en premier lieu la DILCRAH (Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT), de se saisir véritablement de cette problématique. La CNCDH regrette ainsi que le Plan national 2018-2020 soit si peu disert sur la question des discriminations en raison de l’origine dans le domaine de l’emploi.
Pour pallier ce manque, la CNCDH encourage la DILCRAH à développer des partenariats avec les principaux acteurs du domaine de l’emploi (ministère du Travail, principaux syndicats, entreprises, etc.), afin de mettre cette question au centre de son action. Dans cet esprit, le prochain Plan devrait comporter un volet spécifiquement consacré à cette thématique, avec une liste d’objectifs concrets sur lesquels la DILCRAH s’engagerait.

[1L’indice longitudinal de tolérance (ILT) est calculé chaque année, depuis sa création en 2008 par une équipe de chercheurs. Il a comme objectif de mesurer de manière synthétique l’évolution des préjugés. Plus l’indice se rapproche de 100, plus il reflète un niveau de tolérance élevé. Il permet de donner un aperçu des évolutions annuelles des opinions et des sentiments à l’égard des minorités.

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