«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

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  • Publié le 28 août 2017
  • Mise à jour: 6 octobre 2020

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RATP : « On ne règlera pas tous les problèmes du fait religieux mais on peut les désamorcer »

Au sein de la Ratp, le poste de délégué général à l’éthique a été créé au lendemain des attentats du Bataclan. À l’époque, le choix de la direction général fut de recruter à l’extérieur de l’entreprise. Patrice Obert, nommé à ce poste, nous explique la mission qui lui a alors été confiée.

Nommé délégué général à l’éthique de la RATP à la suite des attentats du Bataclan, Patrice Obert, se souvient : « lorsque j’ai pris mes fonctions j’ai trouvé une une entreprise profondément choquée et blessée par une campagne de presse post attentat et l’opinion publique focalisée sur la présence parmi les assaillants du Bataclan d’un ex-employé de la Ratp, Samy Amimour  ».
Dans la confusion des attentats, ignorant que des formateurs de la Ratp figuraient parmi les victimes et passant sous silence la mobilisation générale des conducteurs de bus dans les évacuation des lieux d’attentats, la presse avait accrédité l’idée qu’à la Ratp « Vous recrutez des terroristes », culpabilisant et enfermant dans le mutisme les salariés et le service recrutement de l’entreprise.

Ouvrir le dialogue

La RATP emploie 45 000 salariés. Très décentralisée depuis Christian Blanc, elle s’est organisée en grandes directions de ligne de métro et de centre-bus. Alors plutôt que de partir à la rencontre de l’encadrement de la régie dans un climat plus enclin à la défiance qu’à l’expression, Patrice Obert commence par créer un numéro de téléphone et une adresse mail de correspondance ethique@ratp.fr qu’il fait communiquer à tous les salariés. Quinze personnes (conducteurs de tramway, de bus) vont se manifester spontanément. « Je découvre alors des gens qui se confient et qui veulent nous aider et je recueille des témoignages touchants sur la réalité de l’entreprise » se souvient-il en décrivant un climat de discriminations entre hommes et femmes et les problèmes de serrage de main, d’autoritarisme, d’écoute,…
Ces quinze premiers contributeurs qu’il appelle aujourd’hui le « cercle de la laïcité », lui permettent d’établir un double constat :

  • Très souvent, celui qui est témoin d’un fait religieux et le révèle est taxé de mauvais camarade et ostracisé.
  • Le contrat d’engagement de service public du STIF faisant peser de lourdes contraintes d’horaires sur la Ratp, les conducteurs et leurs managers sont astreints « à faire tourner la boutique » et s’entendent souvent répondre pour les problèmes de serrage de main : « tu te débrouilles ! ».

Patrice Obert voit alors l’absence de liberté de parole comme le principal obstacle à l’appréhension du phénomène religieux. Cette absence de dialogue renverse selon lui la culpabilité des salariés et nuit à l’affirmation de la « vraie liberté » dans l’exercice des tâches quotidiennes. La négation du fait religieux nait des difficultés de service et assourdit les relations de travail. A ses yeux, il y a urgence à rétablir la confiance au sein du personnel de l’entreprise par le dialogue.

Un plan pour travailler ensemble

Partant de ces différents constat, Patrice Obert conçoit en janvier 2016, en concertation avec tous les syndicats, son plan « travailler ensemble » qui s’articule en deux points : Travailler ensemble (appuyé sur la notion du vivre ensemble) et Parlons-en (managers, faites remonter l’information, vous serez soutenus).

Patrice Obert veut tout faire pour que les salariés parlent librement de leurs difficultés au travail et spécialement quand elles touchent au fait religieux : « il n’y a pas de baguette magique, il faut être cohérent depuis l’embauche et rabâcher le message de la neutralité-laïcité à chaque étape de carrière et à tous les nouveaux de la hiérarchie » martèle-t-il.

Il instaure alors plusieurs formations :

  • une sensibilisation de l’opérateur de base ;
  • un module laïcité (histoire) pour faire le tri dans la notion exprimée dans les médias ;
  • un module encadrement de proximité en appui aux fiches du guide « Laïcité-neutralité dans l’entreprise ».

Parallèlement, il entreprend d’impliquer les salariés, avec l’aide de professionnels du spectacle, dans des activités théâtrales, la mis en scène de sketchs dédramatisant et dénouant les situations du fait religieux au quotidien. Il a également mobiliser les agents autour d’événements symboliques. Ainsi, lors de la dernière journée de la laïcité du 9 décembre 2016, aidé de ses 15 premiers contributeurs, le « cercle de la laïcité », la délégation générale à l’éthique a mobilisé l’ensemble de l’entreprise autour du thème « travailler ensemble » en créant un kit comprenant des guides, des éléments de langage et des vidéos de témoignage.

En février 2017, deux ans après la création de la délégation général à l’éthique de la Ratp, la majorité des agents que nous avons interrogé étaient unanimes sur les changements d’attitude vis à vis du fait religieux et le sentiment d’un climat plus serein perceptibles dans l’entreprise, confirmant ce qu’avec prudence et sagesse Patrice Obert s’était fixé comme première étape dans son action et qu’il nous avait résumé ainsi : « On ne règlera pas les problèmes mais on peut les désamorcer  ».

Patrice Obert est diplômé de Science Po Paris, licencié en droit à Paris II Assas. Administrateur de la Ville de Paris (ENA Promotion droits de l’Homme), il a occupé différentes fonctions dont celles de directeur des moyens généraux, de délégué général à la modernisation, de délégué général à la coopération territoriale et de responsable de la Mission Campus. Il était depuis décembre 2014 Secrétaire général du Conseil de l’immobilier de la Ville de Paris.
Patrice Obert est un citoyen engagé dans la réinsertion des jeunes et les problématiques sociétales, il est aussi un des fondateurs de la CINPA (Coordination interreligieuse du Grand Paris).

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