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- Publié le 28 décembre 2025
2025 : l’ère des vérités de l’intelligence artificielle

« La vérité est si obscurcie en ces temps et le mensonge si établi, qu’à moins d’aimer la vérité, on ne saurait la reconnaître. ». Cette réflexion de Blaise Pascal publiée en 1669 dans ses Pensées n’a en rien perdu de son bien-fondé ni de son actualité. Bien entendu, d’aucuns diront que la vérité qu’évoque Pascal et à laquelle il se réfère est celle de Dieu, mais ce serait oublier que Blaise Pascal a 24 ans lorsqu’il voit la France se déchirer, un demi-siècle seulement après les sanglantes guerres de religion. Cette année-là, en 1648, un édit pris par la régente Anne d’Autriche et le cardinal Mazarin provoque la colère d’une partie de la noblesse et de la bourgeoisie, furieuses d’être de plus en plus écartées du pouvoir et mises à contribution pour redresser les finances exsangues de l’État : ce sera la Fronde. D’abord dite « parlementaire » (1648) puis « des princes » (1650-1653), ces années d’émeutes finissent dans une répression brutale par laquelle le pouvoir en place, la royauté, s’affermit un peu plus. Pascal en gardera une aversion profonde pour le désordre politique, elle guidera l’écriture de ses Pensées.
Le rapport que nous voyons entre cette citation de Pascal et notre époque est donc double. Il n’échappe à personne que le désordre politique règne un peu partout dans le monde d’aujourd’hui, mais aussi que les vérités qui y ont cours ne divergent plus seulement sur les faits mais confrontent la révélation et l’interprétation de ces même faits : les croyances prenant le pas sur les faits dans un espace saturé d’informations. L’évolution des interactions entre la politique et les médias au XXIe siècle, la montée en puissance de l’usage social d’internet et des médias sociaux, ont progressivement exigé un véritable « amour de la vérité » pour échapper ou survivre à l’accroissement des contre-vérités et autres fausses vérités : à l’ère de la post-vérité.
Mais en 2025 la post-vérité ne désigne plus seulement l’ère des « fake news », ni même le basculement plus profond d’une société où l’émotion prend le pas sur le raisonnement, où la croyance vaut plus que la preuve, elle ouvre une nouvelle ère de manipulation idéologique par l’usage de l’intelligence artificielle.
Comme l’a soutenu Hannah Arendt, l’idéologie n’est pas liée à la réalité ; elle ne dépend ni des faits ni de notre expérience. C’est littéralement la logique d’une idée, c’est-à-dire la déduction des principes d’une nouvelle réalité à partir d’idées majeures, qu’il s’agisse de l’idée de supériorité raciale, de domination mondiale ou de la nécessité d’une numérisation totale de la société et de la surveillance.
Ainsi, conscientes du fait que les citoyens et, spécialement, les jeunes ont de plus en plus recours à l’IA générative, les autorités russes cherchent désormais à mettre en place leurs propres systèmes qui diffuseront l’idéologie du Kremlin et sa vision de l’histoire.
En 2024, le premier ministre, Mikhaïl Michoustine, avait déclaré lors du forum Digital Almaty 2024 que le chatbot russe GigaChat et ChatGPT portent des visions différentes du monde, une compréhension différente de ce qui est « bien » et de ce qui est « mal ». Michoustine avait également souligné la nécessité d’utiliser une IA qui réponde aux intérêts nationaux, c’est-à-dire, en d’autres termes, de développer l’IA conformément à la nouvelle idéologie russe.
Dans son discours prononcé le 19 novembre 2025 lors de la conférence sur l’IA de la plus grande banque de Russie, la Sberbank, Poutine n’ pas dit autre chose : « Les systèmes d’IA jouent un rôle important dans la formation de la vision du monde souhaitée chez les citoyens », indiquant que « Ces modèles génèrent d’énormes volumes de nouvelles données et deviennent l’un des instruments clés de diffusion de l’information. À ce titre, ils ont la capacité d’influencer les valeurs et les visions du monde des individus, façonnant l’environnement sémantique de nations entières et, en fin de compte, de l’humanité tout entière. »
La création d’un grand nombre de modèles d’IA idéologisés dans le cadre d’un système fermé d’Internet souverain (tel qu’il est en place aujourd’hui en Russie) et où l’accès des citoyens aux sources d’information et aux services étrangers est bloqué, renforce l’isolement axiologique et accroît le contrôle de l’État, qui dispose d’un accès total à ses propres systèmes, gérés par des spécialistes russes.
La création et le développement de tels systèmes d’IA générative idéologisés menacent non seulement les citoyens russes, mais aussi les autres pays, qui sont amenés à lutter contre la propagation de fausses nouvelles et faire face à des cyberattaques où l’on peut également recourir à l’IA, comme l’ont fait récemment des hackers chinois.
Sauf à espérer que l’hypothèse de Melvin Vopson, physicien à l’Université de Portsmouth, selon laquelle notre univers ne serait qu’une vaste simulation numérique, un Matrix grandeur nature dont nous pourrions modifier le programme, nous n’avons bien que l’amour de la vérité pour nous sauver des années qui viennent.

Solidaires !
L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, en 2025, il faut continuer d’agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de "l’opération spéciale" russe.
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