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- Publié le 3 février 2022
- Mise à jour: 4 février 2022
Des empires sous la terre : histoire écologique et raciale de la sécularisation
On appelle généralement « sécularisation » le phénomène qui aurait vu les sociétés occidentales sortir du règne de l’hétéronomie et entrer dans l’ère de l’histoire et de l’autonomie. Dès lors les humains, guidés par la Raison, auraient construit un monde libéré des croyances et des superstitions. « Mais quel est l’envers écologique de ce ’’désenchantement du monde ’’ ? Que s’est il passé sous nos pieds lorsque l’Occident a proclamé qu’il nous avait libérés des commandements divins et des illusions de la transcendance ? Quelles sont les conséquences environnementales et planétaires de cette crise religieuse qui semble avoir frappé l’Europe au coyrs du XIX e siècle ? » interroge l’auteur.
C’est donc une tout autre histoire du sécularisme que raconte ce livre, une histoire dans laquelle la proclamation d’un monde sans Dieu est le fruit d’une « impérialité » hantant l’Europe et ses colonies depuis l’échec de la réunification de l’Empire chrétien par Charles Quint — un monde impérial qui s’annonce, dès la fin du XVIIIe siècle, comme le seul a avoir dépassé les religions et ainsi capable de les réconcilier. Mais cette affirmation n’est possible qu’au prix de la racialisation de l’islam et de sa réduction à un universalisme concurrent, insécularisable et irrémédiablement « fanatique », ouvrant ainsi la voie à l’expansion européenne vers l’Afrique et l’Asie.
Outre la dimension raciale de la sécularisation, ce livre en met au jour une seconde, écologique celle-là. En l’absence d’un Royaume de l’au-delà, la Terre devient le seul monde « sacré », et l’exploitation de ses sols et sous-sols la source unique de la légitimité de l’Empire. Aiguisée par les rivalités inter-impériales (entre la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne), la ruée sur les biens terrestres s’est peu à peu muée en destruction de l’écosystème global. Ainsi pouvons-nous faire remonter la crise climatique à ce surgissement impérial-séculier et qualifier l’ère qu’il a ouverte de « Sécularocène ». C’est la critique du Ciel qui a bouleversé la Terre.
L’auteur : Mohamad Amer Meziane est agrégé et docteur en philosophie. Il est actuellement chargé de recherches et enseignant à l’université Columbia de New York. Il est également membre du comité de rédaction de la revue Multitudes.
Mohamad Amer meziane, Éditions La Découverte, Mai 2021 – 352 p. 22 €
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