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Belgique

Neutralité à la Stib : le Centre d’Action Laïque de Belgique relance le processus judiciaire

Récemment condamnée par le tribunal de travail pour sa politique de neutralité jugée discriminante, la Stib qui avait refusé d’engager une travailleuse voilée s’est vue privée, par son Comité de gestion, de la possibilité de faire appel de cette décision de première instance. La Présidente du Centre d’Action Laïque de Belgique (CAL) a décidé de relancer le processus judiciaire en introduisant une tierce opposition.

Le Centre d’Action Laïque n’accepte pas que le politique ait décidé de mettre fin à un processus judiciaire qui est loin d’avoir épuisé toutes ses possibilités de recours. Le Centre d’Action Laïque a déclaré par la voix de sa Présidente : « Nous ne pouvons pas en rester là, car la neutralité des services publiques doit être défendue. Nous avons donc décidé de relancer le processus judiciaire en introduisant une tierce opposition. »
En Belgique, la tierce opposition est une voie de recours soumise à diverses conditions qui permet à une personne de demander au juge de statuer une nouvelle fois sur une cause qu’il a déjà jugée, lorsque le jugement initial affecte les droits ou les intérêts de cette personne, alors que celle-ci n’avait pas été appelée à l’instance et n’a donc pu y être partie ou représentée. De fait, le Centre d’Action Laïque estime que la décision du tribunal du travail affecte ses intérêts. À savoir : elle entre directement en contradiction avec son objet social qui inclut la défense et la promotion de la laïcité, principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse.

Le statu-quo du Comité de gestion de la Stib arrange le gouvernement

Dans le jugement du tribunal de première instance sur le refus de la Stib d’engager une travailleuse voilée, ni les syndicats, ni le gouvernement n’ont souhaité voir la Stib faire appel de cette décision.
La Stib n’ira pas en appel de la décision du tribunal de travail la condamnant pour discrimination fondée sur les convictions religieuses et le genre, non pas parce que la neutralité inclusive (acceptant le port de signe religieux) serait nuisible, mais parce qu’après des heures de débats assez tendus, au sein du comité de gestion de la Stib, les forces en présence, PS-ECOLO et le président du Groen [1] qui ont voté contre l’appel, et DEFI [2] et deux directeurs de la Stib qui ont voté pour, sont arrivées à l’égalité : 3 voix contre 3 voix. C’est le vote du président du Groen qui a fait pencher la balance. Le gouvernement Bruxellois qui ne veut pas de patate chaude d’un tel débat car les divisions du comité de gestion de la Stib s’y inviteraient - divisions entre tenants de la neutralité exclusive (pas de signe convictionnel) portée par DEFI, le VLD, certains socialistes et tenants de la neutralité inclusive (les signes convictionnels sont autorisés), portée par Ecolo, certains Groen, certains socialistes nord et sud, a immédiatement entériné cette décision et décidé de ne pas interjeter appel. Dans un communiqué, du 17 juin, les autorités bruxelloises ont toutefois rappelé « l’importance du principe de neutralité et d’impartialité des agents inhérent au fonctionnement et à l’organisation des services publics en général ». « Concernant la Stib, il appartiendra au management de l’entreprise publique, dans le respect de la concertation sociale, de proposer une modification du règlement de travail qui permettra de fixer ces principes, en tenant compte de ses réalités fonctionnelles », ajoute le gouvernement régional qui demande au Parlement bruxellois de se saisir « rapidement » du débat « qui depuis trop longtemps, est source de difficultés et de tensions dans notre société », notent encore les autorités.

Le principe de neutralité de la Stib

La Stib est l’un des premiers employeurs de la Région de Bruxelles . Comme la RATP en Ile-de-France, elle rassemble une grande diversité au sein de son personnel. Depuis 2007, la société de transport belge a mis en place une politique de diversité et créé une « diversity manager » et un Comité diversité où siègent représentants de la direction, syndicats, travailleurs, experts externes. La règle de la Stib en matière de diversité est l’application du principe de neutralité. Ce principe s’applique notamment sur le plan vestimentaire. Le port de l’uniforme est obligatoire pour les travailleurs. Les signes convictionnels sont interdits sans toutefois figurer explicitement dans le règlement de travail qui indique : « le port de tout insigne autre que de service est interdit », sans davantage de précisions. Cette rédaction qui pourrait laisser place à de multiples interprétations semble toutefois bien respectée. À en croire les syndicats les plus importants (CSC, CGSLB, CGSP), unanimes sur cette règle, l’interdiction est suivie de manière absolue en pratique. « Cela s’applique aussi bien aux femmes qui souhaitent porter le foulard, elles doivent le retirer pendant le service, qu’aux hommes qui voudraient porter un pantacourt. Impossible, puisque l’uniforme est de rigueur », déclarait début juin au média belge « Bx1 », Christian Eckert, délégué syndical CGSLB.

De la théorie de la neutralité à la réalité du terrain

Dans les faits, révèle « Bx1 », l’interdiction des signes convictionnels figure bel et bien dans une charte indépendante du règlement de travail ; seulement, jugée attentatoire à la liberté d’expression, elle a été refusée par les représentants des travailleurs au conseil d’entreprise. Notre confrère belge signale ainsi l’exemple de Touria El Asri, rencontrée à l’occasion d’un reportage. Cette jeune électromécanicienne, engagée récemment à la STIB arbore un foulard sous sa casquette de travail. « À ma connaissance c’est la seule, et par ailleurs cela ne pose aucun problème » : lui répond Christian Eckert (CGSLB).
S’il est vrai que le port du foulard en atelier peut se justifier pour des raisons de sécurité, visiblement dans la pratique tout n’est donc pas aussi simple et aussi clair. Selon « Bx1 », sur le terrain, plusieurs revendications ou demandes en lien avec la diversité religieuse (mais pas seulement) ont été portées ces dernières années, et souvent soutenues par les organisations syndicales, souligne-t-il. Ainsi, suite aux réclamations de travailleurs musulmans, et après de longues années de négociations, les restaurants de la Stib proposent aujourd’hui en plus du menu ordinaire, une formule halal. Récemment, début juin, des employées musulmanes et non musulmanes, « souhaitant pouvoir disposer d’espaces de détente où elles puissent se sentir à l’aise », ont demandé des locaux séparés entre les femmes et les hommes. La demande soutenue par les syndicats. n’est toutefois pas à l’ordre du jour du comité d’entreprise. Il existerait de la même manière des demandes qui viseraient la mise en place de locaux de prières. Mais là encore les syndicats n’ont jamais porté de revendication pour la mise en place de lieux de prière. « Il est toutefois indéniable que certains travailleurs font leur prière dans l’entreprise », révélait le chercheur et spécialiste de la diversité culturelle Younous Lamghari, dans une étude réalisée en 2013 sur la manière dont l’islam se vit à la Stib. Rapportés par « Bx1 », ses propos montraient déjà que compte tenu des pratiques de certains travailleurs, dans la gestion pragmatique de la diversité à la Stib au regard des réalités de terrain, le strict principe de neutralité ne s’appliquait en réalité pas tel quel sur le terrain. Sans doute, en va-t-il toujours de même aujourd’hui. C’est aussi pour cela qu’il devient après coup très problématique de revenir sur ce que certains appellent des « avancées » et que le CAL dénonce comme une gestion « au coup par coup » en réitérant parallèlement à son action, sa demande pour l’adoption d’une législation garantissant fermement la neutralité des agents publics. Dans son communiqué l’organisation belge indique « Légiférer en cette matière permettra enfin de sortir de la gestion au ’’coup par coup’’ de cette question et de l’insécurité juridique comme de l’inégalité de traitement suscitées par cette absence de clarification ».

Sources : CAL, "Bx1" - article du 3 juin 2021, Libre Belgique - article du 17 juin 2021

[1Groen, jusqu’en 2003 Agalev, est un parti politique belge, qui se réclame de l’écologie politique et présent en Belgique néerlandophone.

[2Démocrate fédéraliste indépendant (DEFI) est un parti politique belge francophone.

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