«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

Trente ans après l’affaire des foulards de Creil, un sondage IFOP photographie les pratiques de l’islam en France

Réalisé du 26 août au 9 septembre 2019 auprès d’un échantillon représentatif de la population de religion ou d’origine musulmane, ce sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et le Point constate une évolution générale des pratiques qui ne va pas dans le sens d’une sécularisation, mais d’une réaffirmation identitaire et religieuse.

Le premier enseignement que ce sondage, très fin, tire du rapport actuel à la religion des personnes de confession ou de culture musulmane vivant en France, est que leur pratique religieuse se renforce au fil du temps, surtout pour les jeunes générations.
Ainsi, les chiffres du sondage nous indiquent que la proportion de personnes déclarant participer à la prière du vendredi à la mosquée a plus que doublé, passant de 16% en 1989 à 38% aujourd’hui. Dans cette population, la norme sociale est donc beaucoup plus religieuse aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Observée dans le détail, cette pratique est, comme dans les pays musulmans, beaucoup plus importante chez les hommes : 55% des hommes déclarent dans le sondage fréquenter la mosquée le vendredi contre 20% des femmes.
Concernant le jeûne du ramadan, sa pratique est aussi en progression depuis 1989, passant de 60% à 66%. Dans les colonnes du Point, Jérome Fourquet, Directeur du Département Opinion et Stratégies d’Entreprise de l’IFOP, note que «  la progression s’est surtout faite au début des années 2000, période où s’est produit un réveil identitaire et religieux dans tout le monde musulman ».

Parmi les autres manifestation de l’empreinte religieuse sur la vie quotidienne, le sondage fait état d’une baisse de la consommation d’alcool, même occasionnelle, chez les personnes de religion ou culture musulmane. Elle passe de 35% en 1989 à seulement 21% aujourd’hui.
Quant au hallal, sa prégnance ne se limite plus à la viande. 57% des sondés disent consommer uniquement de la confiserie hallal, 47% achètent aussi des plats cuisinés hallal, et 48% affirment systématiquement regarder la composition des produits alimentaires achetés pour s’assurer qu’ils ne contiennent pas de la gélatine animale ou du porc. «  Il y a trente ans, lors de l’affaire de Creil, les débats tournaient autour du foulard. Aujourd’hui, dans la sphère scolaire, les tensions se cristallisent autour de la question du hallal. » remarque Jérome Fourquet.

Un rapport à la laïcité de plus en plus distendu

Aux sondeurs, les musulmans vivant en France ont déclaré très majoritairement (à 70%) pouvoir pratiquer en toute liberté leur religion sur le territoire national. Mais pour autant, ce sentiment de liberté s’accompagne de fortes demandes pour adapter notre cadre laïc et républicain : si 41% d’entre eux estiment que c’est la pratique de l’islam qui doit être adaptée et aménagée pour se conformer à la laïcité à la française, 37% estiment que c’est au contraire la laïcité française qui doit s’adapter, et 19% (ce qui est une forte proportion) ne se positionnent pas sur cette question. Par rapport à 2011, la progression des partisans d’une adaptation de la laïcité à la française à l’islam est de 8 points.

Enfin 27% des personnes interrogées sont comme dans l’étude de l’institut Montaigne de 2016, d’accord avec l’idée que « la charia devrait s’imposer par rapport aux lois de la République ». Le sondage montre que cette revendication d’une suprématie de la charia est d’abord portée par les nouveaux arrivants qui viennent de pays où l’empreinte de l’islam est très forte. Chez les Français de naissance, « seuls » 18% estiment que la charia devrait s’imposer. Parmi ceux qui sont Français par acquisition, ils sont 26% et parmi les étrangers, 41%.

3 éclairages sur ce sondage demandés à Jérome Fourquet, Directeur du Département Opinion et Stratégies d’Entreprise de l’IFOP

C & V : Dans votre sondage, vous faites référence aux pays d’origine mais pas aux courants de l’islam qui influent sur la pratique. On pense notamment au rigorisme du wahhabisme et du salafisme par rapport à la modération du sunnisme tunisien par exemple. De même à propos du port du voile, la distinction n’est pas non plus faite entre le hijab et le niqab qui correspondent aussi à une pratique particulière de courants de l’islam. Pourquoi ?
Jérome Fourquet  : « Nous ne sommes pas rentrés dans ce niveau de détail (qui ont leur importance) car nous avions des contraintes en termes de durée du questionnaire et de nombre de questions à poser. Nous avons privilégié les grandes tendances et évolutions générales. »

C & V  : Une partie de ce sondage téléphonique s’est faite par la sollicitation des musulmans sur « l’adhésion à différentes affirmations portant sur l’Islam en France ». Pensez-vous avoir obtenu de leur part des réponses sincères ?
Jérome Fourquet  : « Oui, nous le pensons et l’espérons... ! »

C & V : Dans le contexte actuel de tâtonnements pour l’établissement d’un Islam de France, produire un sondage aussi détaillé est-il utile ou au contraire contre-productif car stigmatisant ? En effet même si cela fait partie de la méthode, on pense notamment aux références aux pays d’origine mais également aux zones géographiques de résidence. Ce sondage ne risque-t-il pas de favoriser l’amalgame et l’utilisation non maitrisée par le grand public de données « sensibles », celles faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses... ?
Jérome Fourquet : « Nous considérons que dans un société démocratique, le débat public doit se faire sur la base d’éléments objectifs permettant de l’éclairer. Nous essayons modestement de participer à cela en produisant ce type d’enquête qui s’inscrivent dans une série d’études historiques initiées par l’Ifop sur le sujet de l’islam depuis 1989, lors de l’affaire du foulard de Creil. »

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