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- Publié le 5 mars 2023
- Mise à jour: 6 mars 2023
Carême russe
Le monde entier regarde l’Ukraine avec anxiété après le premier anniversaire de l’invasion russe, en espérant qu’il n’y aura pas de deuxième anniversaire. Les déclarations et les appels se multiplient de la part de responsables et d’institutions de premier plan, du pape François à la résolution de l’ONU appelant à un cessez-le-feu, votée par tous sauf quelques pays amis de la Russie, dont le Mali, preuve du succès du groupe Wagner, qui fait beaucoup mieux en Afrique qu’en Ukraine.
À l’ONU, l’Inde et la Chine se sont abstenues, une fois de plus. Mais les propositions de paix universelle sont venues de Pékin, disant qu’il faut protéger l’Ukraine, tout en ne condamnant pas la Russie, puisque la guerre a été déclenchée par les États-Unis.
Les dirigeants du G7 ont rencontré à distance le tout nouveau héros de l’Occident, le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy, que les pays occidentaux voient comme l’icône moderne de la liberté et de la démocratie, contre laquelle Poutine, de plus en plus tourmenté, se déchaîne depuis le Sénat russe et le stade Loujniki de Moscou.
Il semble désormais évident que les négociations de paix entre les deux grands ennemis n’auront pas lieu. Au contraire, Biden et Xi Jinping pourraient être les artisans d’un accord, comme Roosevelt et Staline en leur temps, et inaugurer une nouvelle période de guerre froide du 3ème millénaire, peut-être à nouveau à Yalta, en Crimée.
En attendant, les déclarations de Vladimir Poutine font de plus en plus écho aux temps les plus sombres de l’ère soviétique. À ses 100 000 partisans du stade Loujniki réunis contre roubles sonnants et trébuchants, Vladimir Poutine a donné une vision mystique de la prière du « Notre Père », dont la récitation transforme la foule en une vraie patrie et une vraie famille, à l’inverse du dieu des occidentaux dont les liturgies détruiraient les familles, transformeraient les hommes en pédophiles dépravés. Béni par le patriarche Kirill à l’occasion de la Journée du défenseur de la patrie, nouveau nom de la Journée de l’Armée rouge, le président russe a parlé pendant des heures sans susciter de réelle émotion. Seule la bonne volonté des photographes et des cameramen a permis de dissimuler au public les bâillements des officiels enchaînés aux sièges du Conseil fédéral, à commencer par le patriarche lui-même.
Dans le contexte de l’inévitable crise économique russe masquée par les promesses vides de Vladimir Poutine, d’une relance autarcique du commerce et de l’industrie, l’ennui et la dépression poussent la plupart des Russes à vivre comme des zombies, préférant faire politiquement l’autruche, prétendant que ce qui se passe ne les concerne pas, cherchant pour certains des distractions sacrées et profanes pour ne pas s’impliquer dans un cauchemar déjà sans fin.
Si les Ukrainiens ont découvert l’héroïsme de la résistance, les Russes ont réagi par l’indifférence, ce qui témoigne plus que tout de l’inefficacité et de l’inanité de l’agression de Vladimir Poutine voué à être relégué dans les conversations de cuisine par un peuple de plus en plus cynique et éloigné de ses « guides spirituels » avant de l’être dans les « toilettes » par l’histoire.
À l’époque soviétique, la dissidence prenait deux formes, l’une publique bien connue, celle des écrivains et des poètes, comme Andreï Sinyavsky ou Alexandre Soljenitsyne, qui récitaient des poèmes anti-soviétiques sur les places de Moscou, ou dénonçaient les crimes des camps de concentration staliniens dans de grands romans. L’autre modalité était politique et libérale, la dissidence de personnes comme les physiciens Vitali Ginzburg et Andreï Sakharov, pères de la bombe atomique russe, qui appelaient à la fin du totalitarisme, tandis que leurs héritiers, les rares qui ont encore le courage de s’exprimer publiquement, sont aujourd’hui à nouveau condamnés et réprimés. Mais en Russie, il y avait aussi une dissidence silencieuse et intérieure, qui s’appuyait sur la « non-résistance » prêchée au XIXe siècle par le grand écrivain Léon Tolstoï pour qui la réponse au mal par la violence ne fait que le perpétuer. Le rejet de la dictature ne s’y exprimait pas par des actions sensationnelles. Non c’était la dissidence ordinaire, celle des professeurs d’université qui se consacraient à l’étude de la littérature ou de la physique, à la recherche d’une vérité plus grande que les idéologies ; c’était aussi la dissidence des gens simples, des employés et des femmes au foyer, conscients de leur assujettissement par le fanatisme des puissants, mais peu enclins à donner satisfaction tant à leurs geôliers qu’à de prétendus libérateurs.
Le carême orthodoxe a débuté le 27 février. Avant le début officiel du grand jeûne, les fidèles orthodoxes ont traditionnellement apprécié son entrée en se préparant des blinis nappés de crème aigre, de caviar et de poisson cru, arrosés de vodka. Un grand jeûne qui pourrait bien se prolonger au delà du 15 avril... C’est le carême de la Russie profonde renvoyée au passé glorieux et monstrueux du stalinisme et qui survit en léthargie au milieu de l’inimitié du monde, en attendant une nouvelle vie à défaut d’un sauveur ou du salut.
Solidaires !
L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, en 2024, il faut continuer d’agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de "l’opération spéciale" russe.
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