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Loi « séparatisme » : le Conseil constitutionnel juge conformes des dispositions contestées par les cultes chrétiens

Vendredi 22 juillet, le Conseil constitutionnel a validé, sous deux réserves d’interprétation, plusieurs dispositions de la loi « séparatisme » contestées dans deux QPC introduites par les Églises chrétiennes françaises qui y voyaient des « graves atteintes » aux libertés de culte et d’association .
Jusqu’où les pouvoirs publics peuvent-ils aller dans le contrôle de l’exercice des cultes dans un régime de séparation des Eglises et de l’Etat ? Un peu plus loin qu’auparavant, a répondu, vendredi 22 juillet, le Conseil constitutionnel.

Le 18 mai 2022, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 19-1 et 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, ainsi que des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes, modifiés par l’adoption de la loi du 24 août 2021.
Avant sa promulgation et après la saisine de parlementaires de l’opposition, la loi dite « séparatisme » avait déjà partiellement été passée au tamis du Conseil constitutionnel. Mais pas les dispositions de son titre II qui obligent désormais les associations cultuelles à se déclarer au Préfet (celui-ci étant alors à même d’apprécier la qualité cultuelle d’une association) et qui les soumettent à diverses obligations administratives et financières.
Les modifications intervenues sur ces articles des deux lois totémiques de la laïcité, et adoptées en vertu « de l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public », poussent les associations loi 1901 ayant des activités cultuelles, et plus particulièrement les associations musulmanes, à adopter le statut des associations cultuelles, loi 1905, mais plus généralement, selon les trois Églises requérantes, elles fragilisent le régime de liberté mis en place par les lois de 1905 et de 1907.

Contraintes anticonstitutionnelles

Parmi les griefs de la Conférence des évêques de France (CEF), la Fédération protestante de France (FPF) avec l’Église protestante unie de France et l’Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF), transmis au Conseil constitutionnel, il était notamment reproché à l’article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905, d’obliger désormais les associations à déclarer leur caractère cultuel pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, d’instituer un régime d’autorisation préalable conduisant l’État à reconnaître certains cultes. Les instances faisaient également valoir que, les obligations imposées à ces associations ayant été alourdies, ces dispositions permettraient au représentant de l’État de refuser ou de retirer cette qualité cultuelle dans de nombreux cas. Il en résultait, selon eux, une méconnaissance du principe de laïcité, de la liberté d’association et de la liberté de culte et de religion.
Par ailleurs, les Églises dénonçaient le caractère excessif des contraintes imposées par les articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 aux associations assurant l’exercice public d’un culte, en méconnaissance, selon eux, de la liberté d’association, de la liberté de religion et de culte, ainsi que de la liberté de réunion. L’alourdissement des contraintes a également fait réagir les cultes chrétiens qui craignent de sérieux problèmes de fonctionnement dans le quotidien des associations cultuelles, souvent composées de bénévoles et ayant peu de moyens pour faire face à ces obligations administratives et comptables.

Pas de méconnaissance du principe de laïcité

S’agissant de la question posée aux dispositions de l’article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 et de la critique faite à ces dispositions au regard du principe de laïcité, le Conseil constitutionnel relève, d’une part, que les dispositions contestées n’ont « ni pour objet ni pour effet d’emporter la reconnaissance d’un culte par la République ou de faire obstacle au libre exercice du culte, dans le cadre d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 » mais qu’elles ont pour seul objet « d’instituer une obligation déclarative en vue de permettre au Préfet de s’assurer que les associations sont éligibles aux avantages propres aux associations cultuelles ». Par ailleurs le Conseil constitutionnel souligne que le Préfet, représentant de l’État, ne peut s’opposer à ce qu’une association bénéficie des avantages propres aux associations cultuelles ou procéder au retrait de ces avantages qu’après une procédure contradictoire et uniquement pour un motif d’ordre public ou encore dans le cas où l’association en question n’aurait pas pour objet exclusif l’exercice d’un culte ou ne remplirait pas les conditions limitativement énumérées aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905. Il juge, dès lors, que les dispositions contestées ne privant pas de garanties légales le libre exercice des cultes, elles ne méconnaissent pas le principe de laïcité.

Pas d’atteinte à la liberté d’association et de culte

Puis, examinant la critique faite au regard du principe de la liberté d’association sur ces mêmes dispositions, le Conseil constitutionnel a constaté que la déclaration imposée aux associations par les dispositions contestées pour bénéficier de certains avantages « n’a pas pour objet d’encadrer les conditions dans lesquelles ces dernières se constituent et exercent leur activité ». Mais dans une première réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel juge que, dès lors, « que le retrait à une association de sa qualité cultuelle, ne saurait avoir d’effet rétroactif et conduire à la restitution d’avantages dont l’association a bénéficié avant la perte ». Ainsi s’agissant des critiques adressées par les Églises à ces dispositions ainsi qu’aux articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 au regard du principe de la liberté d’association mais aussi du libre exercice des cultes, si le Conseil constitutionnel reconnait que les diverses obligations administratives et financières qu’elles imposent aux associations ayant des activités en relation avec l’exercice public d’un culte sont de nature à porter atteinte à ces exigences, il juge néanmoins que, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a « entendu renforcer la transparence de l’activité et du financement des associations assurant l’exercice public d’un culte » et que ce faisant, il a poursuivi « l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ». Toutefois dans une seconde réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel précise que, si de telles obligations sont nécessaires et adaptées à l’objectif poursuivi par le législateur, « il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces obligations, à respecter les principes constitutionnels de la liberté d’association et du libre exercice des cultes ».
En dernier lieu, le Conseil a écarté les arguments contre l’article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907. Il juge qu’en prévoyant que le représentant de l’État puisse mettre en demeure une association de mettre son objet social en conformité avec ses activités lorsqu’elle exerce des « activités en lien avec l’exercice d’un culte », le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles. Au demeurant, le Conseil souligne qu’une jurisprudence constante du Conseil d’État établit que ces activités sont celles notamment relatives à l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi qu’à l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte.

Retour au Conseil d’État

Les Églises chrétiennes, – catholique, protestantes et orthodoxes – ont pris acte de la décision du Conseil constitutionnel en déclarant dans un communiqué du vendredi 22 juillet « regretter que le Conseil constitutionnel ne soit pas allé jusqu’à la censure de ces dispositions et qu’il ait retenu, sous ces réserves d’interprétation, la conformité des articles visés aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Appelant à nouveau « à une vraie concertation sur son application (la loi du 24 août 2021) » Monseigneur de Moulins-Beaufort, le Pasteur Krieger et Monseigneur Dimitrios ont déclaré « Nous demeurons inquiets de constater que le régime de liberté mis en place par les lois de 1905 et de 1907 et confirmé par la jurisprudence depuis plus d’un siècle est profondément modifié. Nous maintenons que, de notre point de vue, ce régime a, depuis le 24 août 2021, cédé la place à un régime de contrôle et de contraintes, qui comporte beaucoup d’incertitudes, sources d’instabilité juridique à venir ».
La procédure de contestation des décrets d’application de la loi du 24 août 2021 va se poursuivre au Conseil d’État et les Églises requérantes espèrent que leurs recours « seront examinés avec le plus grand soin par le Conseil d’État, en considération des réserves exprimées par le Conseil constitutionnel », indique le communiqué dans sa conclusion.

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