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- Olivier KONARZEWSKI
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- Publié le 10 octobre 2017
- Mise à jour: 11 juin 2023
Interview
Jean-Marc Nicolle, maire du Kremlin-Bicêtre : « La laïcité est affaire de courage et de bon sens »
En 1900, l’interdiction municipale du port de la soutane dans la commune du Kremlin-Bicêtre avait fait beaucoup de bruit avant d’être rejetée par le Conseil d’État. Cet esprit « laïcard » est-il toujours présent ?
Si l’on se réfère à l’arrêté pris en 1900 par le maire du Kremlin-Bicêtre, on peut dire que nous avons une histoire particulière par rapport à la manifestation du religieux dans l’espace public. Il faut cependant comprendre qu’Eugène Thomas s’appuyait sur des textes remontant à la période révolutionnaire ainsi que sur la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et sa traduction dans les républiques successives précédant la séparation définitive de l’Eglise et de l’Etat de la loi de 1905. Eugène Thomas, laicard avant l’heure, « bouffeur de curé » avait préalablement à l’interdiction de la soutane, banni toute procession religieuse sur la voie publique, ainsi que les chants et insignes religieux en usage pour les convois funèbres. Sa radicalité l’avait poussé à édifier un beffroi sur la nouvelle mairie avec une cloche qui sonnait chaque heure toujours quelques secondes avant et après celle de l’église pour minorer ainsi la sonnerie de ses cloches. Aujourd’hui c’est la seule cloche qui reste en ville.
Comment définissez-vous la laïcité ?
La laïcité, c’est reconnaître en chacun un citoyen français avant de le regarder comme chrétien, juif, musulman, … Nous devons faire vivre notre règle républicaine, liberté, égalité, fraternité, sans oublier la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous, élus, nous devons être très attentifs à notre neutralité. J’ai beaucoup de respect pour la religion. Je vais aux offices à l’occasion d’évènements républicains, ou comme cela est arrivé récemment pour le départ d’un prêtre où j’ai pris la parole à la demande de la communauté. J’assiste aussi à la prière pour la République de la cérémonie de Kippour. Cela s’explique et se justifie car en tant que maire je suis garant de l’intérêt public et doit respecter le caractère public et officiel de ma fonction.
Alors que vous inspire l’épisode estival 2016 d’interdiction du burkini ?
L’hystérie collective sur le burkini était sans objet. Nous avons déjà toutes les lois pour traiter ces sujets. Quand j’entends certains candidats aux élections présidentielles prêts à légiférer sur le burkini dans les piscines je m’interroge : l’application du règlement intérieur des piscines interdisant le port des shorts ou autres bermudas règle déjà le problème. Le législateur a autre chose à faire que de légiférer « localement » et au cas par cas. Je note que les trois arrêtés pris après le 15 août coïncidaient tout de même avec l’installation de la campagne des primaires à droite. En ciblant le port du burkini, on en arrive tout simplement à stigmatiser toute une population musulmane qui dans sa majorité ne partage pas les convictions religieuses radicales qui mènent au port du niqab, du burkini. On ne doit pas tomber dans les excès d’une loi qui nous dicterait quel vêtement porter dans l’espace public. Toute loi doit être réfléchie et conçue par rapport à son application et qu’il s’agisse de la loi de 2004 sur le port de signes ostensibles religieux comme celle de 2010 sur l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public, courageusement appliquées, elles sont largement suffisantes.
Quelle politique avez-vous adopté au Kremlin-Bicêtre face au fait religieux ?
Dans notre commune, nous ne voulons pas tomber dans l’arrière plan terrible d’un débat qui stigmatise et dégrade le lien social. Avant de voir la question religieuse, on doit s’attacher au droit de la femme dans la société et considérer que notre société est elle-même non dépourvue de violence et notamment de violences conjugales en recrudescence. On est en train de focaliser sur la religion alors que beaucoup de statistiques montrent que la religion est quelque chose de discret. Il faut viser le bon sens et non l’hystérie, prendre le temps de discuter tout en restant clair et ferme sur le respect des lois. Ici c’est ce que nous nous efforçons de faire. La demande de repas hallal dans les cantines est aussi un exemple de cette posture attentive mais ferme. Nous avons toujours refusé d’accéder à ce type de demande qui nous placerait hors du cadre républicain. Dans l’idée d’anticiper ce problème et de ne pas servir de repas à la carte nous avons supprimé depuis longtemps la viande de porc dans les cantines de la ville. Ce choix du menu unique, servi par une restauration scolaire en régie, a été autant celui d’une bonne gestion du coût et de la qualité des repas que du respect des familles et du maintien des élèves dans la sphère publique. C’était mon devoir républicain. C’est notre histoire ici.
Parlez-nous du projet de construction de la mosquée face à la synagogue.
Le culte juif s’est organisé dans notre ville au cours des années 1960. Dans les années 1990, le pavillon qui tenait jusqu’alors lieu de synagogue était devenu trop petit. Une extension sur place n’étant pas possible, nous avons proposé des friches municipales avec un bail emphytéotique de 99 ans au loyer annuel de 1 €. La nouvelle synagogue a été inaugurée dans les années 2000, au moment où le culte musulman créait une association pour s’organiser dans la commune. Pour eux la question du lieu de culte s’est immédiatement imposée. Pour moi aussi, car on ne peut pas se plaindre de prêches extrémistes dans les caves et ne pas apporter de réponse pour l’empêcher. Il fallait un lieu de culte digne. Premier adjoint à l’époque, voyant le projet trainer faute d’offre foncière, j’ai pensé à nos terrains à côté de la synagogue et en ai parlé au maire qui m’a répondu : « C’est ambitieux ! ». Ensuite, nous avons signé un bail identique à celui de la synagogue mais assorti d’une interdiction d’édification d’un minaret et de recours aux financements étrangers, et avec l’obligation du dépôt de 40 % du budget de construction (1,5 M €) à la déclaration des travaux à réaliser en 28 mois. Le permis de construire a été accordé en avril 2016, les terrassements ont commencé en juillet.
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